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    Actualité: Voir aussi :

    Virus (Zika) et dépopulation

     

    Un numéro du mensuel Le Monde Diplomatique fort intéressant !

    Alzheimer, maladie politique


    Philippe Baqué
    L'augmentation rapide du nombre de diagnostics de la maladie d'Alzheimer représente un défi inédit pour l'humanité. Misant sur un marché potentiel colossal, l'industrie pharmaceutique (...)

    Pour vendre des médicaments, inventons des maladies

    Alan Cassels & Ray Moynihan (mai 2006)

    La stratégie de l'émotion


    Anne-Cécile Robert
    Des émissions de divertissement à l'actualité médiatique en passant par les discours politiques, le recours à l'émotion est devenu l'une des figures imposées de la vie publique. Si (...)

    Vivre en troupeau en se pensant libres

    Dany-Robert Dufour (janvier 2008)

    Le moral des ménages

    Mona Chollet (« La fabrique du conformisme », Manière de voir nº 96, décembre 2007-janvier 2008)

    Néfastes effets de l'idéologie politico-médiatique

     
     
     

    A quel âge devient-on vieux ?

    Jérôme Pellissier (juin 2013)
    François Brune (mai 1993)
     

    Une planète grisonnante

    A quel âge devient-on vieux ?

    Alors que M. François Hollande et son gouvernement s’apprêtent à durcir encore le régime des retraites, les commentateurs mettent une nouvelle fois en scène la guerre des âges : les vieux vivraient grassement aux dépens des jeunes. Ce cliché n’est pas le seul en vogue dès que l’on parle des plus de 60 ans. Revue de détail des idées toutes faites.

    Ce n’est pas un hasard si les trois discours dominants sur les personnes âgées sont d’ordre démographique, médical et économique : faute de penser la vieillesse, on se focalise sur le nombre, sur les corps et sur le coût. La difficulté même à trouver le terme adéquat témoigne du malaise : « vieux », par opposition à « jeune », étant presque perçu comme une insulte, le mot est devenu quasiment tabou. Au gré des modes, on parle donc de « personnes âgées », de « seniors », d’« aînés » ou d’« anciens ».

    La crainte de la vieillesse et l’obsession économiste conduisent à déformer la réalité : on majore toujours le nombre de ceux que l’on rejette. Ainsi, faisant fi des données, Mme Valérie Pécresse, alors ministre de l’enseignement supérieur, pointait le « fléau du vieillissement » Ripostes », France 5, 24 avril 2008). Présentant le plan « Solidarité - grand âge », le 27 juin 2006, M. Philippe Bas, alors ministre délégué aux personnes âgées, parlait de « tsunami démographique ». Et l’actuelle ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, Mme Michèle Delaunay, entonne parfois le même refrain : la France compte « plus de personnes âgées que de mineurs (1) », prétend-elle, tandis que Le Monde assure : « Les vieux sont en passe de devenir majoritaires » (21 février 2013). Quelques années auparavant, le démographe Jacques Dupâquier déclarait : « En 2050, [la France] ressemblera beaucoup plus à un hospice qu’à un gymnase-club » (discours à l’Académie des sciences morales et politiques, 8 janvier 2007). Car seuls les jeunes font du sport…

    La France compte pourtant aujourd’hui davantage de mineurs (environ quatorze millions) que de personnes de plus de 65 ans (environ onze millions). Et trois fois plus de jeunes (30 % de la population a moins de 25 ans) que de vieux (9 % a plus de 75 ans) (2). Dans un avenir prévisible, les plus de 60 ans ou de 65 ans ne seront jamais majoritaires ! En 2060, c’est-à-dire au moment où, conséquence du baby-boom, ils seront temporairement le plus nombreux, la population se répartira globalement en trois tiers, avec une proportion identique de moins de 30 ans, de 30-60 ans et de plus de 60 ans (3). Ce n’est donc ni à un hospice ni à une pouponnière que ressemblera la France de demain, mais à un pays où tous les âges seront également représentés.

    Les mentalités conservent une vision idéalisée (mais fausse) d’un pays jeune : la France du XIXe siècle, marquée par un contexte géopolitique très particulier, quand les jeunes Français, vus avant tout comme des ouvriers et des soldats, devaient surpasser en nombre les jeunes Allemands. Alfred Sauvy et Robert Debré analysaient ainsi la victoire des armées nazies : « La terrible défaillance de 1940, plus encore morale que matérielle, doit être rattachée en partie à cette redoutable sclérose [une population vieillissante] (4) . »

    C’est aussi oublier un peu vite qu’un pays (la France d’alors, comme certaines nations africaines contemporaines) est jeune quand de très nombreux enfants meurent avant de devenir adultes et quand les adultes meurent tôt, la plupart avant d’atteindre la vieillesse. Aujourd’hui, on vit globalement en meilleure santé et plus longtemps. Conséquence : le stade de la vieillesse recule. Pendant plusieurs siècles, 60-65 ans fut considéré comme une sorte d’« âge d’entrée dans la vieillesse (5) ». Désormais, comme l’ont notamment montré les travaux de Patrice Bourdelais, il faut atteindre 75-80 ans pour ressembler, en termes de santé, d’espérance de vie, d’activités, etc., aux sexagénaires des années 1950 (6).

    Il existe cependant de fortes variations entre les individus : on ne devient pas soudainement tous vieux au même âge, comme on ne devient pas soudainement tous adultes au même âge. Le moment de la vieillesse varie également selon les catégories socioprofessionnelles : si l’espérance de vie à la naissance est la même pour tous, à 35 ans elle n’est plus que de quarante et un ans pour un manœuvre, contre quarante-sept ans pour un cadre (7). Et l’écart est encore plus important si l’on prend l’espérance de vie sans incapacité : respectivement trente-deux et quarante années. Autrement dit, pour certains, et notamment les ouvriers, c’est la « “double peine” (…)  : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte (8) ». Si, globalement, nous ne sommes plus comme ces vieux que chantait Jacques Brel, « usés à 15 ans », certains continuent d’accuser un vieillissement prématuré ; presque 30 % des hommes meurent avant 65 ans. Le travail conserve… ceux qu’il n’a pas tués.

    La question de l’âge de la vieillesse n’est pas qu’une marotte de démographes ou de gérontologues. Elle change le regard de chacun et de l’ensemble de la société. Au XVIe siècle, Montaigne évoque la vieillesse à 30 ans ; au XVIIe, on parle plutôt de 40 ans ; en 1950, de plus de 60 ans (ce qui représente 16 % de la population) ; en 2000, de plus de 65 ans (16 %) ; et en 2060, de plus de 75 ans (16 %). On voit que le vieillissement démographique, c’est-à-dire la proportion de personnes âgées dans la population, ne ressemble en rien à un tsunami ! Ce que confirme l’évolution de l’âge médian (9), qui passerait de 40 ans actuellement à 45 ans en 2060.

    Il y a bien une révolution démographique : celle de la forte augmentation du nombre de personnes de plus de 60 ans. Mais cela ne signifie pas que le nombre de vieux s’accroît considérablement, ni que la vieillesse dure plus longtemps qu’autrefois.

    Jusqu’au XIXe siècle, non seulement la plupart des gens mouraient jeunes, mais ils mouraient vite : il y avait très peu de maladies chroniques, invalidantes. Désormais, elles sont nombreuses : cancer, diabète, maladies neurologiques — dont la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. Bien souvent, on peut vivre longtemps avec l’une d’entre elles. De surcroît, certaines, liées à l’environnement, aux conditions de travail, aux modes de vie, apparaissent tardivement et ne se déclarent qu’au bout de plusieurs décennies.

    Le nombre de personnes de tous âges qui vivent avec des maladies chroniques et invalidantes, en situation de handicap et en perte d’autonomie, a augmenté, et va continuer à croître dans les prochaines décennies. Sur soixante-cinq millions de Français, environ sept millions souffrent d’une affection de longue durée (ALD) ; un million trois cent mille sont en situation de perte d’autonomie et reçoivent des allocations (deux millions quatre cent mille prévus en 2060). Il est donc indispensable de réfléchir à la manière dont la société doit les soigner et les accompagner. Et ce quel que soit leur âge. Car, contrairement aux idées reçues, ces situations ne concernent pas que les vieux, et tous les vieux ne sont pas « dépendants ». Seuls 17 % des plus de 75 ans, par exemple, perçoivent l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

    Tous les vieux ne sont pas malades, mais, comme on est malade de plus en plus tard, on associe souvent vieillesse et maladie. Dans la France du XVIIIe siècle, par exemple, où les enfants mouraient le plus (un sur deux décédait avant 5 ans) et où il y avait très peu de « vieillards », ces derniers étaient considérés comme exceptionnels : ils avaient survécu aux maladies, échappé à la mort. Désormais, la majorité des décès ont lieu aux grands âges, ce qui aggrave la confusion entre vieillesse et mort. La tendance à cacher la mort que l’on observe dans notre culture conduit alors aussi à cacher ces très vieilles personnes qui nous la rappellent trop…

    Autre phénomène engendré par l’augmentation de l’espérance de vie sans incapacité : l’intervalle entre la fin de l’activité professionnelle et le début de la vieillesse s’allonge. La perte d’autonomie n’apparaît généralement, quand elle survient, qu’à la fin de la vie. Les personnes qui meurent à 85 ou 90 ans ne vivent pas « dans la vieillesse » depuis leurs 60 ans ; du moins, pas dans la vieillesse biologique. Mais socialement ? Pour Mme Delaunay, aucun doute : « Il est temps pour la génération qui est la mienne de mesurer que la vieillesse va durer trente ans, voire davantage » (entretien au Monde déjà cité). Cette confusion serait-elle entretenue pour justifier certaines politiques ?

    Pierre Bourdieu le disait, l’âge est une « donnée biologique socialement manipulée et manipulable (10) ». C’est flagrant pour la limite des 60 ans. Qui souhaite convaincre qu’il faut repousser l’âge de la retraite oublie les métiers pénibles, et insiste sur le fait qu’on est « encore jeune » à cet âge. Lorsque, en revanche, on cherche à exclure de certains dispositifs d’aide des personnes en situation de handicap et de perte d’autonomie, celles-ci deviennent des « personnes âgées » à 60 ans, et leur handicap se transforme officiellement en « dépendance » (moins indemnisée). Les sexagénaires seront donc jeunes ou vieux selon ce qu’on veut en faire : des actifs rentables ou des handicapés moins coûteux.

    « Ce fait de parler des jeunes comme d’une unité sociale, d’un groupe constitué, doté d’intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement, constitue déjà une manipulation évidente », estimait Bourdieu. La manipulation s’applique aussi à ces millions de personnes placées dans la catégorie floue des « personnes âgées ». Parle-t-on des plus de 60 ans ? Des plus de 80 ans ? Des actifs, des retraités ? Des enfants de 70 ans ou de leurs parents de 95 ans ? Il y a plus de points communs entre deux avocats parisiens de 30 ans et 70 ans qu’entre un avocat parisien de 30 ans et un paysan du même âge.

    Les enquêtes ne nous en apprennent pas plus. D’une part, sur certains thèmes, les « plus de » ne sont tout simplement pas pris en compte : c’est le cas dans plusieurs grandes études réalisées ces dernières années, que ce soit sur la sexualité, la santé ou la sécurité. Seuls les adultes de moins de 60 ans sont interrogés dans une partie de l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee, 2006-2007) ; de moins de 70 ans dans l’étude « Contexte de la sexualité en France » de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Institut national des études démographiques (INED, 2007). Nous n’avons pas non plus de données fiables concernant les violences faites aux femmes, la dernière enquête de l’lnsee se limitant aux moins de 60 ans (11).

    D’autre part, les tranches d’âge s’étirent au fur et à mesure que l’âge augmente. Ainsi, les « plus de… » sont regroupés dans une catégorie tellement vaste qu’elle perd tout sens : on passe souvent des 18-24 ans (six ans d’intervalle) et des 40-49 ans (neuf ans)… aux « plus de 60 ou de 65 ans », qui peuvent avoir plus de trente ans d’écart et appartenir à des générations différentes. Vus avec de telles lunettes, tous les vieux sont gris…

    Une fois cette fausse unité réalisée, on peut aisément généraliser à l’ensemble de ces personnes des caractéristiques, modes de vie, etc., propres seulement à certaines d’entre elles. Cette forme d’âgisme utilise un procédé qu’on retrouve par ailleurs dans le racisme ou le sexisme : « les étrangers », « les femmes », « les personnes âgées »… Autant de catégorisations qui véhiculent des idées reçues.

    En politique, la rengaine est bien connue : les vieux sont immobilistes, réactionnaires. Les commentateurs ont recouru à cet effet d’unité, par exemple, lors de l’élection présidentielle de 2012. Ils ont insisté sur les 41 % des plus de 65 ans qui avaient voté en faveur de M. Nicolas Sarkozy (Union pour un mouvement populaire, UMP) pour minorer les 30 % d’entre eux qui avaient choisi M. François Hollande (Parti socialiste), et plus encore le fait que cette « classe d’âge » est celle qui a le moins voté pour l’extrême droite. Quant aux 54 % de retraités qui ont voté pour M. Sarkozy au second tour, ils ont souvent fait oublier les 46 % qui avaient effectué un choix différent !

    Il s’opère une confusion entre l’effet d’âge, qui serait attaché à une caractéristique donnée — les vieux votent à droite parce qu’ils sont vieux —, et l’effet de génération : les électeurs ayant régulièrement voté à droite continuent de voter à droite en vieillissant, et les électeurs ayant régulièrement voté à gauche continuent de voter à gauche. Ainsi, ceux qui ont autour de 60 ans, et qui avaient donc 20 ans dans les années 1970, ont davantage voté pour M. Hollande ou pour M. Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) au premier tour que les électeurs âgés de 25-34 ans ou ceux de 35-49 ans. Les travaux sérieux tendent à montrer que les effets de génération et les aspects socio-économiques jouent un rôle important, tandis que les effets d’âge sont surtout fantasmés (12).

    Cela n’empêche pas certains essayistes d’alimenter ces stéréotypes, et d’en tirer des conclusions pour le moins surprenantes. Ainsi, Yves Michaud, directeur de l’Université de tous les savoirs, estime qu’il faut « se poser la question d’une fin de la vie citoyenne. Je pense que tôt ou tard il faudra envisager qu’il y ait un âge de la retraite du citoyen. Je verrais bien des gens votant par exemple entre 16 et 80 ans. Et puis, à 80 ans, on arrête (13) ». Ce fantasme de dissolution de la démocratie s’exprime de manière encore plus radicale chez M. Martin Hirsch : « Il faut refaire le suffrage censitaire et donner deux voix aux jeunes quand les vieux n’en ont qu’une. Il faut donner autant de voix qu’on a d’années d’espérance de vie. (...) Quelqu’un qui a quarante ans devant lui devrait avoir quarante voix, quand celui qui n’a plus que cinq ans devant lui ne devrait avoir que cinq voix (14). »

    On retrouve cette fausse unité des vieux dans le domaine des ressources et des modes de vie. Régulièrement dépeints comme aisés et privilégiés, les retraités se voient accusés du dénuement des jeunes. Tous sont assimilés aux plus riches et urbains d’entre eux, ceux des publicités pour voitures et montres de luxe. Or la moyenne des pensions de retraite se situe autour de 1 200 euros par mois, et de moins de 900 euros pour les femmes (lire « Et maintenant, faire payer la crise aux retraités »).

    Certes, la pauvreté a constamment diminué depuis les années 1960. En 1970, le taux de pauvreté des plus de 65 ans était de 35 % (17 % pour l’ensemble de la population), tandis qu’il se situe actuellement autour de 10 % (14 % pour l’ensemble de la population). Les plus de 60 ans sont moins touchés que les moins de 30 ans. Mais, là encore, prudence : les plus de 75 ans restent plus frappés que toutes les tranches d’âge entre 30 et 65 ans (15). Or on sait que la pauvreté, l’isolement et la fragilité se cumulent pour créer des situations de grande vulnérabilité. En 2011, un tiers des personnes décédées par suicide étaient âgées de plus de 65 ans.

    Le discours sur les « retraités aisés » construit une sorte d’écran destiné à décrire les divisions sociales dans les termes d’un simple conflit entre vieux (riches) et jeunes (pauvres). De quoi masquer les inégalités grandissantes au sein de chaque génération, comme les conséquences des effets conjoints du sexisme et de l’âgisme (femmes isolées, pauvres et souvent très âgées). Pourtant, bien souvent, jeunes et vieux sont, ensemble, les premières victimes des mêmes phénomènes. Dans le champ de l’emploi, par exemple : au prétexte de l’inexpérience des plus jeunes et de l’obsolescence des plus âgés, on élague des deux côtés d’un « âge d’employabilité idéal » qui se réduit à 25-45 ans. La durée moyenne d’inscription sur les listes de Pôle emploi double chez les plus de 50 ans par rapport aux autres demandeurs d’emploi (16).

    C’est également vrai en matière de précarité. Si les jeunes sont touchés, les situations de fragilité en lien avec la vieillesse ont repris leur courbe ascendante après les réformes des retraites successives. Dans les difficultés vécues depuis deux décennies par les plus de 50 ans, l’isolement, la pauvreté, le handicap combinent leurs effets. Tout indique que les vieux pauvres de la France des années 1970 resurgiront dans la France des années 2030-2040 (17).

    Tandis que les puissants se moquent bien de leur âge, pour les autres l’attention se focalise sur les générations, au point de négliger les questions de pouvoir et de classes sociales. N’y aurait-il plus qu’une jeunesse, à plaindre, et une vieillesse, à accabler ?

    Lorsque l’image d’Epinal du senior aisé-oisif-égoïste, responsable des maux de la jeunesse, semble décidément trop usée, apparaît celle de la « personne âgée dépendante », avec son cortège de tares (lenteur, frilosité, inadaptation…), que l’on accuse, cette fois, de coûter cher. Comme l’annonçait dès les années 1960 le premier rapport officiel sur le sujet, les vieux vont « grever les conditions d’existence de la population française (18) ». Faute de s’attaquer aux vraies causes de la faillite de notre système économique, certains désignent de nouveaux coupables : les inactifs (retraités ou malades) qui vivent plus longtemps. Et tous ceux qui, passés sous la toise de normes comptables à courte vue, coûtent plus qu’ils ne rapportent : retraités, chômeurs, métiers du soin, de la culture, de l’éducation…

    En termes économiques, le « problème » est posé et les solutions proposées depuis bien longtemps, comme en témoigne cette formule du ministre des finances japonais, en janvier dernier : « Le problème [du financement de la Sécurité sociale] ne sera pas résolu tant qu’on ne laissera pas les [vieux malades] mourir plus vite (19). » En France, « on ne laisse pas mourir les vieux », mais la pénurie de moyens conduit à délaisser beaucoup de personnes très âgées, qui auraient pu être soignées dans certains services d’urgence si elles avaient été prises en charge à temps, par exemple. Ou, comme dans certaines maisons de retraite, à ne pas les aider à vivre correctement.

    Si les vieux pauvres sont surtout accusés de peser, les vieux riches font désormais l’objet de multiples attentions de la part des partisans de la silver economy (lire « Un marché qui excite le patronat japonais »), qui rêvent de vieux consommateurs mobiles, sportifs, technophiles et friands de « maisons intelligentes » (domotique et autres). Naissent alors des dispositifs destinés à entretenir leur capital-santé et leur capital intellectuel, à les « surcouvrir » d’assurances-dépendance qui, quand ils seront malades ou handicapés, permettront de créer des emplois non délocalisables. Des emplois souvent pénibles, avec des salaires bas et un manque criant de formation, généralement occupés par des travailleuses délocalisées...

    En attendant, pour les personnes de 60 ou 70 ans, auxquelles on affirme, comme le fait Mme Delaunay, que leur vieillesse a commencé, un problème débute dès maintenant : la société les invite à un « bien vieillir » socialement et culturellement vide (20), et n’imagine pour elles qu’une série d’activités aussi peu excitantes que la stimulation cognitive sur console de jeu pour éviter l’Alzheimer, le tai-chi pour prévenir les chutes, ou la technologisation de leur logement pour « retarder la dépendance ». Sans oublier — car il ne faudrait pas jouer les « vieux égoïstes » — de nombreuses missions : garder leurs petits-enfants, aider financièrement leurs fils et leurs filles, soigner leurs vieux parents, animer les associations locales… Nombre de retraités participent déjà à ces activités de solidarité, familiales comme associatives. Mais le danger existe de transformer ces choix en injonctions, voire en condition pour être socialement aidé ou considéré.

    Pour les personnes âgées dites dépendantes, un autre problème tourne au cauchemar. Si, dans certains pays (Allemagne, Pays-Bas, Danemark…), les handicaps et les maladies avec perte d’autonomie activent des aides quel que soit l’âge de la personne, en France, on cesse, à 60 ans, d’être une personne handicapée pour devenir une « personne âgée dépendante », avec, à handicap égal, un dispositif plafonné. Et donc des montants largement inférieurs aux besoins. Un système discriminatoire, maintenu de gouvernement en gouvernement au seul motif que « ça coûterait trop cher » d’aider les personnes handicapées de plus de 60 ans comme on aide celles de moins de 60 ans.

    La « réforme de la dépendance » annoncée par le gouvernement socialiste de M. Jean-Marc Ayrault ne mettra pas fin à cette discrimination. Centrée sur le financement, à l’image de ce que M. Sarkozy et Mme Roselyne Bachelot avaient imaginé, la future loi risque de s’employer surtout à réduire les dépenses en supprimant les aides aux personnes les moins « dépendantes », ce qui, en langage ministériel, s’énonce ainsi : « Les aides publiques seront davantage orientées vers ceux qui en ont le plus besoin » (Mme Delaunay au Monde). Le but est aussi de « faire jouer la responsabilité individuelle » — expression également utilisée par M. Hollande lors de son intervention au congrès de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) le 29 janvier 2013, ce qui signifie en réalité : faire fortement appel aux assurances privées.

    Le principe de solidarité nationale ne s’appliquerait-il pas aux citoyens âgés de plus de 60 ans, et plus particulièrement aux citoyennes ? Les vieilles femmes sont en effet les principales victimes de ce dispositif « dépendance ». Comme au temps où Simone de Beauvoir condamnait la manière dont la société les traitait (lire « Briser la conspiration du silence »), elles subissent un système qui, cumulant sexisme, âgisme et utilitarisme, considère qu’il y a des vies moins précieuses que d’autres. Et réalise ainsi la prédiction de Hannah Arendt : « Si nous nous obstinons à concevoir notre monde en termes utilitaires, des masses de gens en seront constamment réduites à devenir superflues (21). »

    Jérôme Pellissier

    Ecrivain et docteur en psychogérontologie, auteur notamment des essais Le temps ne fait rien à l’affaire..., Editions de l’Aube, La Tour-d’Aigues, 2012, et La Guerre des âges, Armand Colin, Paris, 2007.
     
     
     
     

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    Ces plantes qui tuent le cancer

     

    L’Absinthe (artemisia annua L) connue depuis des millénaires était utilisée pour soigner le paludisme, et des chercheurs viennent de découvrir qu’elle pourrait détruire 98% des cellules cancéreuses du poumon.

    Toute plante est considérée comme nuisible à moins qu’on ne lui trouve finalement des propriétés bénéfiques à notre santé… Prenons par exemple l’Absinthe, cette plante, dont on fait une boisson anisée, interdite pendant des années, soupçonnée à juste titre d’attaquer les centres nerveux de ceux qui en abusaient, est de nouveau autorisée.

    C’était, au 19ème siècle, la boisson favorite des artistes, et de Van Gogh à Verlaine, en passant par Émile Zola, qui en décrivait les ravages dans son célèbre « Assommoir », ils ne dédaignaient en abuser, et on a pensé longtemps que la Thuyone, l’une de ses molécules, pouvait amener à la folie.

    Or aujourd’hui, des études ont prouvé qu’il n’en était rien, et elle connait aujourd’hui un certain succès. lien

    Mais l’Absinthe cache d’autres propriétés, notamment celle de guérir le cancer.

    Tout viendrait de tombes découvertes à Mawangdui, en Chine, à l’est de Changsha, dans le Hunan, site fouillé en 1972, et contenant entre autres des rouleaux manuscrits lesquels concernaient la médecine chinoise et notamment des plantes médicinales. lien

    Ces textes datant de 168 avant notre ère évoquaient les propriétés de l’artémisinine, composé chimique extrait de l’absinthe. lien

    Plus près de nous, des chercheurs de l’université de Washington Narendra P.Singh et Henry C. Lai, ont publié une étude démontrant que l’artémisinine pouvait soigner efficacement des cancers. lien

    Même si la question fait débat, la piste semble tout de même intéressante. lien

    Et puis de nombreuses autres plantes médicinales auraient aussi la faculté de soigner le cancer : le Pissenlit par exemple…

    Selon une étude récente de l’université de Windsor au Canada, les racines de Pissenlit seraient bien plus efficaces que la chimiothérapie.

    Les effets cytotoxiques de l’extrait de racine de Pissenlit pourrait tuer jusqu’à 96% des cellules de la leucémie myélomonocytaire chronique (forme de cancer du sang) 48 heures seulement après assimilation.

    La découverte des propriétés de cette plante est presque du domaine du hasard : le Docteur Caroline Hamm, une cancérologue, a constaté que l’une de ses patientes buvait régulièrement du thé aux racines de pissenlit dans la salle d’attente, et que sa santé s’améliorait…

    Elle s’en est ouverte auprès d’un biochimiste, Siyaram Pandey, professeur à l’Université de Windsor au Canada, lequel a entrepris des recherches, aidé par ses étudiants.

    Il a fait des essais sur le sang de patients différents et a fini par constater : « l’extrait de racine a tué les cellules de façon très sélective. Les cellules saines n’ont pas été tuées, alors que les cellules cancéreuses oui  ». lien

    Amusant si l’on songe au sens de l’expression « sucer les pissenlits par la racine » …lien

    Quittons le Pissenlit pour une autre plante qui suscite depuis des années de sévères polémiques : le Chanvre.

    Contre toute attente, le Chanvre, lui aussi, peut lutter efficacement contre le cancer.

    En effet, s’il faut en croire l’Institut National du Cancer des États-Unis, les cannabinoïdes du cannabis aident à éradiquer le cancer en tuant les cellules endommagées de l’organisme, tout en protégeant les cellules saines. lien

    Il était déjà connu que les cannabinoïdes pouvaient « être utiles » en aidant, entre autres, les patients à supporter la douleur, et à stimuler leur appétit, mais avec cette découverte, il y a de quoi donner de nouveaux arguments à ceux qui en demandent depuis longtemps la dépénalisation du cannabis.

    Quittons le chanvre pour un arbre d’Amazonie, le Graviola.

    Des recherches en laboratoire ont démontré que des extraits du fruit de cet arbre, appelé Guanabana, (corossol en anglais) peut lutter contre le cancer avec un traitement entièrement naturel qui ne provoque ni nausées, ni perte de poids, ni perte de cheveux, tout en protégeant le système immunitaire.

     

    Depuis 1976, le Guanabana s’est avéré en effet un agent très efficace lors de plusieurs tests effectués en laboratoires.

    Une étude publiée dans le « journal of natural Products » a déclaré que ce fruit peut tuer sélectivement les cellules cancéreuses du côlon avec une capacité supérieur à 10 000 médicaments de chimiothérapie. lien

    Plus de renseignements sur ce lien.

    Même les feuilles de l’arbre Graviola peuvent agir contre le cancer, et seraient particulièrement efficaces contre les cancers du colon, du sein, de la prostate, du poumon et du pancréas. lien

    Pour être tout à fait complet il faudrait évoquer d’autres plantes connues pour leurs propriétés anti-cancer comme par exemple la Morelle noire, la Chicorée sauvage (Cichorium intybus), et la Glabra de salsepareille, découvertes dues à des scientifiques de l’Université de Floride, de Case Western Reserve University, et le l’Université de médecine de King George, en Inde. lien

    Et ce n’est pas tout : une recherche menée par Ratna Ray, professeur agrégé de pathologie, accompagné de son équipe de l’Université de Saint Louis, a mis en évidence l’action positive de l’extrait de Melon Amer, lequel réduit la croissance des cellules cancéreuses, stoppant aussi la croissance de celles du cancer du sein et de la prostate. lien

    Toujours grâce au jus de Melon amer, une étude émanant de l’Université du Colorado, à démontré qu’il limitait la capacité des cellules cancéreuses pancréatiques à métaboliser le glucose, réduisant ainsi la source d’énergie des cellules, et permettant par la suite de les détruire.

    On pourrait ajouter à cette longue liste des plantes médicinales anti-cancer, la Chirette verte, la luzerne, l’anis, la nymphée odorante, l’Arjuna, l’Ashwagandha, le Chardon béni,  l’Actée à grappes noires, l’Aigremoine, la Chélidoine, cette fameuse plante qui guérit aussi les verrues en appliquant le suc jaune sur celles-ci, le Nerprun purgatif, le Clajeux, la Boswellia serrata, le Cordyceps, la chimaphila Umbellata, le Phytolacca americana, le Pétasite, le Lapacho, la Suma, variété de Ginseng Brésilien, la violette odorante, le trèfle des près, la Drosera à feuilles rondes, (plante carnivore) le Serenoa repens, le Polypodium decumanum, la Valériane, le Saule blanc, l’Estragon, le Pastel des teinturiers, l’Oseille crépue, le Zédoaire, (variété de curcuma) la Dionée attrape-mouche, (autre plante carnivore) l’espinheira Santa, le Mullaca, le Mutamba

    Concluons avec quelques autres plantes qui seraient utiles pour lutter contre le cancer, comme le Curcuma, l’Hydraste du canada, le Chardon-marie, l’Echinacea, le Gingembre, la Gotu Kola, la Bardane, l’Achillée millefeuille, le Romarin.  lien

    Mais ne faudrait-il pas d’abord lutter en amont, afin d’éviter d’hériter de cette terrible maladie, responsable chaque année de la mort de 150 000 personnes en France ? lien

    On sait déjà que la pollution radioactive est un vecteur redoutable du cancer, de la leucémie, (lien) mais on sait moins que dans nos lessives se trouvent des agents dangereux capables de provoquer allergies, voire même des cancers.

    En effet, s’il faut en croire la revue « 60 millions de consommateurs », certaines lessives contenant des produits cancérigènes et toxiques pour le foie.

    12 marques de lessive, sur 14 testées, ont été jugées coupables d’utiliser des produits chimiques dangereux, et si elles garantissent des t-shirt sans taches, le colorant « rhodamine B » qu’elles contiennent est soupçonné d’être « irritant cancérogène probable  ».

    Seules 2 marques, Ecover et Rainett, ont trouvé grâce aux yeux des testeurs de la revue. lien

    Il n’y a hélas pas que certaines lessives qui soient dangereuses, toujours d’après le même magazine, il existe plus de 100 produits du quotidien qui sont dangereux.

    Des aliments, aux cosmétiques, en passant par les détergents, ceux qui ont été passés au crible des enquêteurs, n’ont pas donné un résultat très encourageant. lien

    Pour en revenir au nucléaire, autant il est possible de se passer des lessives, et autres produits de consommation dangereux, autant il devient de plus en plus compliqué d’éviter la pollution radioactive.

    On sait aujourd’hui que celle de Fukushima a traversé l’Océan, et se retrouve sur les côtes américaines, mais elle se trouve aussi maintenant dans l’eau du robinet des consommateurs de Tokyo  : on a mesuré une augmentation de la contamination radioactive de l’eau de consommation de 24%. lien

    Comme dit mon vieil ami africain : « il est plus facile d’empêcher la maladie que de tenter de la soigner  ».

    L’image illustrant l’article vient de dinafem.org

    Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

    Ce lien précise comment utiliser ces plantes

    Olivier Cabanel

    Articles anciens

    Atchoum

    L’huile de l’arbre

    Un article à la noix

    A table avec les sauvages

    A table avec les insectes

    Des racines et des arbres

    Finissez vous assiettes

    Main verte pour tomate rouge

    La drogue ce tabou

    Ces plantes qui font trembler Big-Pharma

    Arrêtez la terre, je veux descendre

    A l’oreille des feuilles

    La terre folle

    Au bois de mon cœur

    Les dessous du chou

    Le jardin extraordinaire

    Des piquants qui protègent

    Ces plantes qui tuent les virus

    L’amarante, plante espiègle

    Des pommes, des poires, mais pas n’importe quoi

    Aimer la Terre

    Les avancées de l’immobile

    A l’aide d’iode

    N’écrasez pas le champignon

    Jamais déçu par le chou

    Sauvé par l’écorce

     

    http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/ces-plantes-qui-tuent-le-cancer-177041

     

     

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  • Le revenu universel, donc la fin de l'état providence

    Voir aussi

    Le revenu universel et la fin de l'état providence

     
    Une vague populiste se déverse sur les états voulant faire passer l'apparition possible d'un revenu universel comme l'avènement tant attendu de l'état providence. Le véritble socialisme enfin réalisé et par les pays capitalistes en prime. Plus de chômage, car plus de travail. Un véritable miracle.
     
    Si miracle il y a, il est dans la manière dont les populations sont préparées pour accepter des mesures devant conduire à la remise en cause des acquis sociaux et à la protection étatique. Ce qui tombe bien lors des négociations du Traité transatlantique prévoyant la privatisation des services publics.
     
    Petite opération de démystification.
     

     
    Qu'est ce que le revenu universel
     
    L'idée d'un revenu universel fait son chemin depuis les années 70. D'origine américaine, l'idée n'a pourtant pas été réalisée aux Etats Unis, sauf en partie en Alaska. Ensuite, les approches ont variées en Europe, en passant par la Belgique. Pour ensuite être l'objet de toute une machine institutionnelle:
    "C’est aux Etats-Unis qu’est apparue, après guerre, l’idée d’un revenu de base progressiste. Initiateur en 1968, avec Paul Samuelson, John Kenneth Galbraith et mille deux cents autres économistes, d’un appel en ce sens, Tobin fait introduire son projet de demogrant dans le programme de George McGovern, dont il est le conseiller, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 1972. Avec la lourde défaite du candidat démocrate face à Richard Nixon, le projet est enterré."
    Enterré aux Etats Unis, il prend son chemin véritable, celui de l'Europe:
    "Il refait surface en Europe, d’abord dans les Pays-Bas des années 1980 (6). En Belgique, un groupe de chercheurs et de syndicalistes crée en 1984, autour de l’économiste et philosophe Philippe Van Parijs, le Collectif Charles Fourier. Un colloque organisé en 1986 à l’Université catholique de Louvain donne naissance au Réseau européen pour le revenu de base (Basic Income European Network, BIEN), qui deviendra mondial (Basic Income Earth Network) en 2004. "
    Et selon les pays, il est envisagé différemment. L'idée fondatrice est de permettre à chacun de ne plus avoir peur de la pauvreté, de pouvoir choisir un travail qui l'intéresse. Bref, le travail dans la joie. Dans les faits, les pays envisagent des revenus minimums allant de quelques centaines d'euros à un millier, supprimant en parallèle les aides sociales diverses et variées, les pensions de retraites, etc. 
     
    La Finlande devrait le mettre en oeuvre début 2017:
    "Pour le gouvernement, il s'agit de lutter contre la pauvreté. Un salaire minimum commun remplacerait alors toutes aides sociales en vigueur. Un Finlandais verrait donc s'évaporer ses aides au logement, aux études, au chômage mais aussi sa pension de retraite. Les citoyens qui souhaitent avoir un niveau de vie plus élevé pourront bien sûr compléter ce revenu de base en étant salarié, artisan ou entrepreneur. "
    Le Québec l'envisage, la France en parle. Le débat reste toujours social, comment couper les aides sociales, de combien ce revenu doit-il être,etc. C'est en quelque sorte la version "des pauvres".
     
    La Suisse doit proposer une version plus attrayante pour ses citoyens qui ne se contenteront pas de la version soutien social minimal proposée dans les autres pays, moins riches. Ainsi, plus de 2000 euros par personnes et par mois, plus encore pour les enfants. Chacun pouvant alors choisir de travailler ou non, là il veut, comme il veut. Le Paradis sur Terre. Ou l'Enfer à petit feu. Comme il est bien commu, l'Enfer est pavé de bonnes intentions. Sauf que les intentions ici ne sont pas forcément si bonnes et la sincérité des gouvernants et des idéologues laisse songeur.
     
    L'expérience russe: la monétarisation des aides sociales et l'appauvrissement des catégories sensibles
     
    Ce processus, soi-disant social jusqu'au paroxisme, a été, dans sa logique, déjà mis en place en Russie sous l'égide des ministres néolibéraux aux commandes au début des années 2000. En 2004, sous l'impulsion des ministres A. Koudrine et M. Zurabov a été adopté la loi sur la monétarisation des aides sociales.
     
    L'idée était elle aussi très simple. Au lieu de donner des avantages en nature à certaines catégories de la population, le Gouvernement va leur donner de l'argent qu'ils utiliseront comme ils veulent. Cette réforme a concerné essentiellement les retraités, les invalides, les militaires. Ils devaient payer les médicaments, les transports, n'avaient plus d'aides au logement.
     
    De nombreuses manifestations ont eu lieu, car la population a été fortement appauvrie, le montant alloué ne couvrant pas les frais réels. Les gens furent obligés d'économiser sur les soins, sur la nourriture, etc. Mais la réforme a permis ainsi de faire des économies budgétaires, sur le dos des catégories socialement fragiles. Le Conseil pour les droits de l'homme, à l'époque, avait même demandé la suspension de la loi pour raison d'urgence sociale. Sans compter que Zurabov avait déclaré qu'il fallait absolument stabiliser les tarifs de chauffage, d'eau et d'électricité s'ils ne sont plus subventionnés, faute de quoi les gens vont avoir de sérieuses difficultés. Finalement, le financement a été régulièrement augmenté, réformé, mais reste en vigueur. Et encore aujourd'hui se pose la question de revenir à une aide matérielle.
     
    Le recul de l'état et la corruption de la population
     
    Au-delà des buts à première vue louables affichés, la mesure semble surprenante à l'heure des plans d'austérité, de la sévérité budgétaire, de la course à la rentabilité. Plus que surprenant. Car soi l'état veut faire des économies, soi il veut aider la population, les deux voies ne peuvent être concommittantes.
     
    Ce n'est pas l'état providence réalisé, mais le néo-libéralisme incarné dont il s'agit en réalité. Car, cette démarche entraîne obligatoirement le recul de l'état. L'individu roi est laissé face à lui-même. Combien coûtent réellement l'enseignement, les hospitalisations, les médicaments, les transports? Quelques centaines d'euros permettront juste de survivre. Mais c'est toujours attrayant de dire; vous aurez de l'argent matériel entre vos mains, les billets vous pourrez les palper, et vous serez maître de les utiliser comme bon vous semble. C'est attrayant, mais c'est faux, car les gens à revenus limités vont économiser sur les frais de santé, sur les examens etc. Nous allons alors vers une société qui risque de fortement se différencier, de tuer la classe moyenne qui est le ciment social.
     
    Cette réforme aussi tombe merveilleusement bien au moment des discussions autour du traité transatlantique et de la privatisation des services publics. 
    "Les services publics de l’eau, de l’éducation, de la santé, des transports, mais aussi l’échange sans restriction de données. Tout est sur la table du nouvel accord commercial que négocient dans le plus grand secret, les Etats-Unis, l’Union européenne et une vingtaine d’autres Etats depuis deux ans dans les locaux de l’ambassade d’Australie à Genève.
    La négociation porte sur le commerce des services et vise notamment une vaste libéralisation des services publics. Les tractations de cet Accord sur le commerce des services (ACS en français, Trade In Services Agreement en anglais) devaient rester secrètes « jusqu’à cinq ans après la conclusion d’un accord » ou la fin des négociations en cas d’échec."
    Et cela concerne justement les services pour lesquels il est question de retirer les aides sociales et de la monétariser, comme en Russie finalement. Ainsi on peut privatiser les services, c'est-à-dire les vendre aux entreprises. Mais sont-ils rentables? Peu importe, ils le deviendront, simplement parce qu'il ne sera plus question d'intérêt général. Il suffit de voir les problèmes de la poste et des chemins de fer privatisés en Angleterre pour apprécier le dégrè de prise en compte de l'intérêt social.

    Ici se posent encore quelques questions. Où en sommes nous avec la réduction des déficits publics? Soit ce n'est plus grave, car il existe un impératif idéologique plus important et que les déficits finalement affaiblissent l'état ce qui n'est pas si mauvais, soit il faut lutter contre leur aggravation et la compensation financière ne peut être trop importante. 

    Ensuite, quid de la productivité? On appréciera à ce sujet le fait que l'idée réapparaissent maintenant, en pleine arrivée massive de populations étrangères en Europe. Car si les "nationaux" ont le droit de ne plus vouloir travailler, on fait place neuve pour des populations peu formées, certes, mais payées pas cher. Comme le dit le FMI, il faut intégrer rapidement les populations immigrées sur le marché du travail. On vend ainsi le dumping social.
     
    Le fait que cela aille totalement à l'encontre de la conception du réfugié, qui n'est là qu'en attendant de rentrer chez lui, ne semble pas déranger. Nous sommes donc bien face à une immigration de masse, qui n'a rien à voir avec l'urgence de prendre en charge des réfugiés en danger.
     
    Enfin, sur le plan personnel, l'individu est censé mieux se réaliser lorsqu'il n'a plus aucune obligation ni contrainte ni peur. Je ne sais pas où cette explication a été trouvée, elle est plus que surprenante. Chacun a toujours besoin de stimuli pour se réaliser, il faut dépasser des obstacles pour avancer et pas se fragiliser entre un thé bien chaud et une réflexion profonde, longue et languissante sur le but de la vie.
     
    Le seul endroit où les êtres humains n'auront absolument aucun obstacle à surmonter, n'auront jamais besoin de se dépasser, où la température sera toujours la même, où aujourd'hui ressemblera à demain, c'est à la morgue.
     

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