Intervention en séance plénière du Parlement bruxellois contre la ratification du TSCG

 

 

 

Madame la Présidente,

Chers collègues,


Je tiens d’abord à préciser que je m’exprime en mon nom propre et non au nom du groupe PS. Ce n’est pas une situation humainement facile, même si je suis persuadée que beaucoup de mes camarades partagent mes propos. J’ai la conscience tranquille.

En tant que députés bruxellois, nous sommes appelés aujourd’hui à adopter au pas de charge ce traité important. On peut se réjouir que le débat prenne enfin place, tout comme on peut déplorer que nous soyons le dernier parlement à ouvrir cette discussion pour la refermer aussi vite, bien trop vite !


Cette discussion aurait mérité l’éclairage des syndicats, d’économistes, d’universitaires et d’autres organisations de la société civile dans notre parlement. Des auditions communes au Parlement wallon et Parlement Wallonie-Bruxelles se sont déroulées le 4 décembre dernier, en présence des syndicats.

Face à un traité dicté par des experts néolibéraux, nous aurions pu auditionner des experts aux opinions plurielles. Nous ne le faisons pas, et c’est plus que dommageable pour l’échange que nous allons avoir.


Nous devons malheureusement constater que le débat parlementaire du traité est gravement bâclé et expédié à la va-vite depuis ce matin, sous prétexte que nous sommes les derniers en Belgique à en discuter et que la Belgique est le dernier Etat signataire à ne pas encore avoir ratifié le traité.

Si nous sommes les derniers à en discuter, certains d’entres nous n’ont pas attendu que le TSCG soit enfin transmis au Parlement pour se positionner pour ou contre.


En lisant l’exposé des motifs, j’ai l’impression de lire 14 pages de mise en cause du dogme austéritaire, alors que le traité commande d’appliquer l’austérité. J’ai l’impression de lire un exposé des motifs disant le contraire du traité. J’ai l’impression qu’avec légèreté ou hypocrisie, le gouvernement nous explique que nous pouvons amender ce traité, ou du moins ne pas le respecter à la lettre.


Hypocrisie, car un traité européen ne peut pas être défait au niveau national ou régional : il ne peut qu’être accepté ou refusé tel quel.


Légèreté, car on nous explique que Bruxelles, comme la Wallonie et la Communauté française, peuvent obtenir ce que la France, 2ème puissance de la zone euro, n’a pas obtenu. Pensons-nous sincèrement, chers collègues, que nous pourrons nous affranchir des règles du traité que nous nous préparons à voter alors qu’un gouvernement bien plus fort que le nôtre n’a jamais cru pouvoir le faire et ne l’a jamais envisagé ?

Je ne souhaite donner de leçon à personne, encore moins aux groupes de la majorité, mais il est tout de même interpellant que le syndicat socialiste appelle à voter contre le TSCG à l’image de toute la Confédération Européenne des Syndicats, et que certains qui se déclarent de gauche, voire tout simplement vouloir être souverain dans son parlement et maitre de son budget, dans son pays, vont sans doute voter pour sans autre procès.


Ce traité touche au fondement de notre démocratie : la gestion des deniers publics sous contrôle démocratique.

Les premières révolutions libérales, au Royaume-Uni et dans les futures Etats-Unis d’Amérique, se sont faites au nom du consentement démocratique à l’impôt. Avec ce traité, nous prévoyons des sanctions automatiques contre des gestions démocratiques qui n’iraient pas dans le plein respect des normes d’austérité figées par le TSCG.


Nous prétendons mettre des garde-fous. Je ne peux y croire.

L’exposé des motifs met bout à bout des ficelles progressistes contenues dans les différents traités européens et nous ferait peut-être même croire que l’Europe sociale est en marche après le TSCG, ou même grâce au TSCG. Nous avons entendu le même discours avec le traité de Maastricht, puis d’Amsterdam, de Nice, la TCE, le traité de Lisbonne et maintenant le TSCG, ce qui me fait douter encore plus.

Parmi les bouts de ficelles, on note dans l’exposé des motifs que la commission Européenne a déclaré en février 2013 réfléchir à l’exclusion des investissements publics durables de l’évaluation des finances des Etats Membres.

Croyant y déceler un changement d’approche de la Commission qui, subitement, se distancierait du dogme de l’austérité, on oublie qu’actuellement c’est cette même Commission européenne qui réclame aujourd’hui au Portugal une baisse des salaires, avec le FMI et la BCE !


On m’objectera peut-être que sans ratification du TSCG, on ne peut bénéficier de l’aide du Mécanisme Européen de Stabilité.

Je veux à ce propos rappeler à nos souvenirs les propos d’une collègue pendant le débat portant sur le traité créant le MES. Ces propos datent déjà de presque 2 ans, du 2 mars 2012.

Elle disait simplement qu’« Il faut éviter que nous soyons amenés, demain, à donner notre assentiment, sans autre forme de débat, à des mécanismes qui seraient imbuvables pour notre population, en constatant de surcroît que nous n’avons même pas eu notre mot à dire et qu’un mécanisme d’adhésion automatique nous entraîne dans un raz-de-marée contre lequel on ne peut résister. »

Elle rappela aussi utilement qu’ « aujourd’hui, il n’est pas question d’appliquer et d’accepter la règle d’or ».


Cette oratrice, elle s’exprimait au nom du groupe PS. C’était la regrettée Anne-Sylvie Mouzon. Elle n’était pourtant pas une gauchiste, comme s’apprêter d’aucuns à cataloguer ceux et celles qui diront non à ce traité.

Ratifier le TSCG, c’est accepter la règle d’or de l’austérité tout en ouvrant la porte à l’action de la Troïka UE-FMI-BCE. Car il faut rappeler que la Troïka intervient automatiquement en cas de recours au MES.

Rappelons que la règle d’or impose aux Etats l’austérité pour un équilibre budgétaire. Cela veut dire concrètement que les Etats ne peuvent dépenser plus que leurs recettes. Cependant, aucun Etat n’y arrive. Un Etat doit investir, c’est-à-dire développer les services publics, l’école, les hôpitaux, la culture, les infrastructures et les administrations. Pour cela, le pays a besoin d’emprunter, mais avec ce traité, ce n’est plus possible.

Cependant, pour des dépenses exceptionnelles tel que renflouer les banques on trouvera toujours les « marges de manœuvre ».

Pensons-nous sincèrement avoir besoin du MES un jour ? Pensons-nous sincèrement être dans une situation proche de la Grèce ou du Portugal ?

 

Si nous le pensons, c’est que nous pensons alors devoir probablement s’administrer les mêmes coupes dans les services publics et les salaires que le peuple grec ou portugais.

Et cela, je ne peux m’y résoudre. Aujourd’hui, la Belgique comme la région de Bruxelles-capitale n’ont aucun avantage à ratifier le TSCG et à bénéficier du MES, au contraire on peut prévoir des graves inconvénients et des menaces sur notre avenir.


Le TCG est un traité marqué d’un dogmatisme néolibéral en faillite et c’est  une question de survie que de s’y opposer.


Vous l’avez compris, ce traité imbuvable, inacceptable n’aura pas mon assentiment.

Merci

 

 

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