• Le numéro de téléphone bientôt mort ? La fin du téléphone mobile ?

     

    En France, le numéro de téléphone à dix chiffres semble bien se porter. Si bien, en fait, que les premiers numéros de mobile en 07 ont fait leur arrivée cette année, le traditionnel 06 étant victime de son succès.

    Certains prophétisent pourtant sa mort prochaine. Sur le blog américain TechCrunch, Nikhyl Singhal, PDG d’une start-up de téléphonie (et forcément juge et partie) explique pourquoi l’utilisation des dix chiffres est selon lui archaïque.


    Pour autant, Singhal prédit que l’estocade ne viendra pas forcément de Skype ou de Google (qui a récemment lancé son service de téléphonie). Facebook est pour l’auteur le mieux placé pour enterrer le numéro de téléphone. Ce dernier possède selon lui trois lacunes qui signeront inéluctablement son arrêt de mort:

    • Le contrôle. N’importe qui peut taper vos dix chiffres, votre ex, un démarcheur ou un militant en campagne. Il y a certes des méthodes comme la liste rouge, mais ces solutions ne permettent pas d’empêcher complètement les appels non souhaités.
       
    • Le numéro de téléphone est rattaché à un appareil, pas à vous. De nombreuses personnes disposent de plusieurs numéros, et certains, comme celui du foyer familial, sont partagés par toute une famille.
       
    • L’expérience utilisateur est limitée. Le téléphone a été pensé comme un outil ayant une seule fonction: vous tapez un numéro et discutez. [...] Les autres outils comme le répondeur ou les conversations à plusieurs sont fastidieuses.

    À l’inverse, il est tout à fait possible de ne pas recevoir de message de contacts inconnus sur Facebook. Le premier réseau social au monde, malgré les polémiques liées au respect de la vie privée de ses utilisateurs, donne selon l’auteur davantage de contrôle que n’importe quel opérateur de téléphonie, en plus d’être devenu un immense annuaire. Et de se faire le chantre d’une identité téléphonique détachée du numéro, qui pourrait donner aux célébrités un nouveau moyen de communiquer avec leurs fans:


    À LIRE ÉGALEMENT: La fin du téléphone mobile, par Jacques Attali

     

     

    http://www.slate.fr/lien/26561/fin-numero-telephone

     

     

    Jacques Attali: la fin du téléphone mobile
    La conversation téléphonique
    est-elle appelée à disparaître?

     

     

     

     

     

    Le débat sur la sécurité du BlackBerry, (lancé récemment dans certains pays qui ne supportent pas qu’il leur soit impossible de briser les codes de transmission des messages) et plusieurs articles dans la presse spécialisée américaine (Clive Thomson,  The death of the phone call, Wired) posent la question de l’avenir du téléphone mobile.


    On a longtemps cru, et écrit, que son développement, faisant suite à celui du cinéma et de la télévision, allait entraîner la fin du courrier, du livre et de l’écrit en général. L’apparition d’internet et du SMS a tempéré cette prédiction. Et voici maintenant qu’apparaît une prédiction radicalement inverse: et si c’était la conversation téléphonique qui était appelée à disparaître?


    Ceux qui défendent cette thèse en veulent pour preuve que, aux Etats-Unis, selon l’institut Nielsen, le nombre d’appels téléphoniques  décroît tous les ans depuis 2007, qui aura été l’année d’un record. De plus, ces appels sont de plus en plus brefs: s’ils étaient en moyenne de 3 minutes en 2005, ils ont maintenant perdu près de la moitié de leur durée. A cela s’ajoute que, partout dans le monde, les opérateurs gagnent beaucoup plus d’argent par le transfert de données que par la voix, qui n’est plus qu’une dimension annexe de l’ARPU. Enfin, il est exact que de nombreux jeunes n’utilisent  presque plus leur Smartphone comme téléphone, mais essentiellement comme un moyen d’échanger des messages  par SMS, email, BBM, ou sur Facebook ou Twitter.


    Pourquoi? D’abord parce que la voix transmet un message beaucoup plus subjectif et moins fiable que l’écrit. Ensuite –et surtout–  parce que, dans un monde où chacun est de plus en plus en relation avec un très grand nombre de gens, on est de plus en plus soucieux de protéger son intimité. Aussi, chacun accepte-t-il  de moins en moins l’agression que représente un appel téléphonique. La vieille question apparue à la fin du 19e siècle, au moment même de l’émergence du téléphone («pourquoi répondre quand on vous sonne?») revient d’actualité. Beaucoup de gens désormais ne répondent pas quand on les sonne. Aussi, on ne décroche pas quand des inconnus appellent; et même, avec des amis,  prend-on de plus en plus rendez-vous  par SMS pour se parler par téléphone; et on écoute même de moins en moins les messages téléphoniques laissés sur les boîtes vocales.  

     

    Tout cela renvoie à quelque chose de profond, parfaitement prévisible: notre idéologie de la liberté individuelle conduit chacun à ne s’intéresser de plus en plus qu’à lui-même, à ne vouloir en faire qu’à sa tête,  et même, plus encore, à l’autisme, au narcissisme, au plaisir de soi. Et donc à refuser toute intrusion d’autrui non sollicitée dans la bulle de son égo. On aime donc recevoir des SMS, des mails ou des BBM, parce qu’on les lit quand et si on veut. Mais on n’aime pas prendre un appel téléphonique qui vous force à obéir à l’injonction d’autrui, de parler, ici et maintenant. Une fois de plus, la musique annonçait cette mutation, par le développement de l’écoute solitaire.  


    De fait, un objet nouveau sert d’abord à ce à quoi servait l’objet précédent. Et il est normal que le mobile ait été d’abord un téléphone. Désormais, il va trouver son véritable usage. Les mobiles seront donc de plus en plus des instruments pour se mettre à disposition de l’autre, qui décidera s’il veut de nous.  Et si la voix n’y est plus importante, on peut en changer radicalement la forme, pour faciliter l’échange d’écrits d’abord. Mais aussi, au-delà de l’écrit, par l’échange d’images, fixes ou mobiles, de photos ou de vidéos.


    Un peu plus tard, l’extension des capacités de conversation en vidéo changera beaucoup de choses. Chacun pourra se proposer  à la vue de l’autre, qui pourra décider à sa guise s’il veut le voir et s’il veut lui renvoyer son image.


    On pourra en particulier  communiquer avec le corps, sans l’usage de la voix; par exemple par des signes: la vidéo conduisant à une possible universalisation du langage des sourds muets.


    Chacun sera donc en situation de voir les autres, sans être vu, s’il ne le souhaite pas; en tout cas, s’il peut le refuser, car il y a des cas où on ne peut refuser d’être vu d’un autre: on peut imaginer des mères imposant à leurs enfants d’être sans cesse visibles; des amoureux l’exigeant de leurs partenaires; des patrons l’exigeant de leurs cadres; des juges y obligeant des condamnés.


    Là sera d’ailleurs la vraie mesure de la liberté: est libre celui qui n’est pas obligé de répondre au téléphone, et qui n’est pas tenu d’être vu par les autres.


    Jacques Attali

    Photo: Téléphones mobiles récupérés pour être recyclés en Californie REUTERS/Mike Blake

     

    http://www.slate.fr/story/25915/jacques-attali-telephone-fin-mobile

     



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