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Remettre la monnaie au service de l’intérêt général et non de la bourse
Remettre la monnaie au service de l’intérêt général
et non de la bourse
Récemment, plusieurs bourses mondiales (New York et Francfort) ont battu des records historiques, une nouvelle illustration de l’indécence d’une époque aussi inégale… Mais cela a également le mérite de montrer l’influence des politiques monétaires et de ceux à qui elles bénéficient.
Politique monétaire : la grande expérimentation
Depuis 2008, les politiques monétaires menées ont complètement divergé, entre une zone euro qui persiste dans un monétarisme suicidaire, à peine tempéré par les récentes annonces et les pratiques moins conventionnelles des autres pays. La Fed a fait passer son bilan de 900 à 4000 milliards de dollars, dont plus de la moitié est composé de bons du trésor. Ainsi, la banque centrale étasunienne a permis à l’Etat de fortement baisser le coût de sa dette. Mais en rachetant pour plus de 1500 milliards d’obligation, elle a également soutenu l’ensemble de l’économie, diminuant le coût des emprunts pour les entreprises et poussant également à la hausse le cours des actions en créant de la monnaie, qui finit par augmenter la demande d’actifs, et donc in fine leur prix.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe, le Japon est entré dans une expérimentation audacieuse puisque la banque centrale a acheté pour 50 000 milliards de yen (350 milliards d’euros) de dette publique en un an, l’équivalent de plus de 8% du PIB du Japon (qui dépasse 4 000 milliards d’euros). Du coup, elle détient aujourd’hui 20% de la dette publique du pays, pour un montant équivalent à 40% du PIB du Japon, environ 200 000 milliards de yen, 1450 milliards d’euros. L’idée est de sortir le pays de la déflation. Le Premier Ministre veut donc faire progresser les salaires sans se préoccuper de la fameuse compétitivité puisque le cours du yen a fortement baissé, renchérissant les importations. Les résultats sont positifs puisque la croissance et les prix remontent. Le pays du soleil levant semble avoir trouvé le moyen d’utiliser la monnaie pour le bien commun.Reprendre le contrôle de la monnaieCe qui est intéressant, c’est de voir que la monnaie est restée un outil politique au Japon, que le gouvernement l’utilise activement pour le bien commun alors que la zone euro est paralysée depuis la décision à Maastricht de rendre les banques centrales indépendantes du pouvoir politique et donc de la démocratie. Du coup, dans la pratique, elles se contentent de défendre les intérêts des banques. C’est ainsi que Christian Noyer a volé au secours de BNP Paribas, ou que la BCE et la Banque d’Angleterre font aujourd’hui du lobbying pour relancer la pratique désastreuse de la titrisation, largement responsable de la crise financière de 2008 par le biais des subprimes, ces emprunts immobiliers toxiques transformés en titres qui n’ont pas été loin de faire sombrer l’ensemble du système financier mondial, sauvé de justesse par les interventions massives des banques centrales et des gouvernements à coup de centaines de milliards.
Outrela question majeure du contrôle démocratique des banques centrales (qui passe forcément par le retour d’une tutelle politique, comme au Japon), se pose plus largement la question du contrôle de la monnaie, posée par les néochartalistes comme Jean-Baptiste Bersac (dont je vous recommande le blog) ou André-Jacques Holbecq, qui travaille sur le 100% monnaie. J’en profite pour vous signaler sa pétition pour reprendre le contrôle de la monnaie, qui demande que la Banque Centrale créé seule la monnaie, que les banques ne puissent plus créer de la monnaie scripturale, mais seulement prêter de la monnaie déjà existante, que les dépôts à vue soient transformés en monnaie pleine et passent hors du bilan des banques et enfin que la Banque Centrale mette en circulation chaque année la nouvelle monnaie pleine au profit de la collectivité (Etat ou citoyens).
La question de la monnaie et de son contrôle finira tout ou tard par revenir dans le débat politique car c’est une question démocratique fondamentale. Bien sûr, la question est parfois technique. Et c’est pour cela que je tiens à remercier le vulgarisateur qu’est André-Jacques, qui continue inlassablement à porter ce nécessaire débat sur la place publique.
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