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    Irak : attentisme US ou piège tendu à l’Iran et à la Syrie ?

    Irak : attentisme US ou piège tendu à l’Iran et à la Syrie ?

     

    1. Docteur Harba, vous dites que l’invasion de l’Irak par les hordes « daechistes » [de l’EIIL] est une conséquence de la résistance de la Syrie durant trois années ; Daech ayant échoué en Syrie, il s’est déplacé en Irak. De son côté, Daech a clairement annoncé que ce à quoi nous assistons aujourd’hui est le point de départ de l’édification effective de l’« État Islamique en Irak et au Levant ». Si jamais ils y arrivent, jusque quand l’Irak pourra-t-il éviter la partition du pays et/ou une guerre confessionnelle ? Dans ce cas, ne peut-on craindre que cela ne se répercute sur la Syrie ? Et, partagez-vous l’analyse de ceux qui pensent que c’est un coup porté, avant tout, contre l’Iran ?


    Ceux qui soutiennent le terrorisme en Syrie sont ceux-là mêmes qui le soutiennent en Irak, et par les mêmes moyens. Mais avant de répondre à vos questions, je dirai que nous sommes favorables à tout effort international qui déciderait de briser le terrorisme non seulement en Syrie et en Irak, mais partout dans le monde.

    Ceci étant dit, cela fait trois années que le terrorisme, quel que soit le nom qu’il se donne, tue des Syriens. Cependant, il n’a pas réussi à réaliser les objectifs de tout ce qui a pu être planifié par les Services de renseignement et les chambres opératoires américano-sionistes, ou autres ; alors que trois jours lui ont suffi pour réussir en Irak. Et, je pense qu’il lui faudrait trois heures seulement pour réussir en Jordanie !


    Maintenant, croire que cette offensive de Daech a été menée sur l’Irak sans que les Etats-Unis ne le sachent, alors que leurs réseaux d’espionnage et de satellites sont constamment braqués sur notre région, est d’une extrême naïveté. D’autant plus, que ces hordes sauvages ont traversé des espaces désertiques avec armes, véhicules, et matériels… D’ailleurs, j’ai pu lire aujourd’hui que l’Ambassade US était au courant [1].


    Certes, il est désormais plus que probable que les daechistes ont bénéficié de complicités internes [2], notamment celle du gouverneur de la province de Ninawa, Assir al-Noujaïfi; lequel, et c’est un fait, avait rendu visite au gouvernement d’Erdogan et avait rencontré le chef des services secrets turcs, Hakan Fidan, une semaine avant l’attaque. Nous savons aussi qu’il y avait trois contingents sur place, deux contingents de militaires et un de la police nationale ; autrement dit, près de 30000 combattants étaient présents dans cette province [3] quand le gouverneur Assir al-Noujaïfi a appelé le peuple irakien à ne pas affronter Daech. Par conséquent, un environnement politique favorable préexistait en Irak, Daech n’étant qu’une des façades du terrorisme qui le frappe.


    2. Environnement favorable signifie, ici, confessionnalisme. Non ?


    C’est vite dit, car ce sont les États-Unis qui dirigent maintenant cette agression et ceci dans plusieurs dimensions.

    • La première dimension est d’ordre politique. Elle vise, surtout depuis les résultats des élections législatives qui ont confirmé le bloc de M. Al-Maliki, le rôle de l’Irak dans la région et notamment ses prises de position en faveur de la Syrie et de la Palestine… Les États-Unis cherchent à prouver que l’Irak est désormais un « état défaillant », ce qui les obligerait à traiter le problème par une intervention militaire, directe ou indirecte, pour l’arracher au « Front du refus » [Iran-Syrie-Liban] et le ramener dans le giron de l’Arabie saoudite et des Pays du Golfe.

    En l’occurrence, je considère le plan en cours d’application, que je qualifie de « Plan Balfour 2 », comme encore plus dangereux que le Plan Balfour 1 [4]. Car, si le plan 1 [de 1917] a été l’une des premières étapes de l’installation de l’entité sioniste en Palestine, celui-ci est la première étape de la création d’une « entité sioniste-wahhabiste-takfiriste » dans cette région de la plus haute importance géostratégique.

    • La deuxième dimension est d’ordre économique. D’abord en raison des ressources pétro-gazières de l’Irak, notamment dans la région de Ninawa, de Dyala, d’Al-Anbar… Le prétendu état islamique [EIIL] devrait ainsi son existence à cette immense richesse énergétique et, partant de là, pourquoi ne s’étendrait-il pas jusqu’en Jordanie, en Arabie saoudite et même, comme ils en ont la prétention, à Al-Raqqa et Deir ez-zor en Syrie, puis… en Turquie !?

    Ceci, sans oublier la possibilité de concrétiser enfin le projet d’acheminement du gaz et du pétrole d’Arabie saoudite et du Qatar vers la Turquie [5], pour empêcher l’aboutissement du projet qui permettrait de transporter le gaz iranien vers la Méditerranée via l’Irak et la Syrie [6] ; et, du même coup, menacer les gazoducs transitant par l’Ukraine en direction de l’Europe… sujet d’actualité [7].


     EIIL

    • La troisième dimension est d’ordre militaire. En réalité, nous pouvons dire que l’administration américaine est toujours aussi déterminée et poursuit sa coopération avec le terrorisme international où qu’il sévisse, ce qui explique ce que d’aucuns qualifient d’« attentisme des États-Unis » [8] face à l’offensive de Daech en Irak. Ils ne sont pas intervenus « immédiatement », comme annoncé [9][10], pour sauver le gouvernement central irakien ainsi que l’armée qu’ils ont recomposée, et ils n’interviendront pas de sitôt.

    D’où le danger, au sens qu’il pourrait s’agir d’un piège tendu à l’Iran. Car s’il devait intervenir en Irak, cela pourrait servir de prétexte pour que les États-Unis, et leurs alliés, prétendent qu’il ne le fait que pour protéger les chiites irakiens ; ce qui renforcerait l’idée d’une « guerre sunnite-chiite » expliquant tous les maux de la région.


    Dès lors, les zones de combat se déplacerait vers les frontières iraniennes, le pays étant pris entre les deux branches d’une tenaille ; à l’est, par les Talibans ; à l’ouest, par les daechistes.


    Par ailleurs, il ne faudra pas s’étonner si, prochainement, on commence à nous expliquer qu’une fraction de ces terroristes n’est nullement affiliée à Daech, autrement dit à Al-Qaïda, mais fait partie d’une « opposition armée modérée », exactement comme ils ne cessent de le laisser croire pour la Syrie.


    Pour rester bref, je pense que les États-Unis sont en train de poursuivre plusieurs buts à la fois. Ils pensent piéger l’Iran d’une façon ou d’une autre, et abandonnent le terrain syrien à ceux qu’ils font passer pour des « opposants modérés » ; lesquels prétendus opposants ne sont que le deuxième assortiment d’Al-Qaïda.


    D’ailleurs, les États-Unis sont en train de travailler à « vider » le terrain dans l’intérêt de Daech et du leur. Je m’explique en rappelant un fait marquant survenu lorsque Al-Zawahiri [successeur de Ben Laden et chef d’Al-Qaïda] a dépêché six de ses délégués pour sommer Abou Bakr Al-Baghdadi [dirigeant de Daech] et Abou MohammadAl-Joulani [dirigeant de Jabhat Al-Nosra] de quitter la Syrie pour s’occuper des malheureux frères irakiens [11]. Nous savons tous qu’Al-Baghdadi s’est ravisé et a répondu à l’appel d’Al-Zawahiri en quittant la Syrie pour se replier sur l’Irak sans, pour autant, cesser d’assurer le transport d’armes et de combattants vers la Syrie jusqu’à cet instant précis, les véhicules blindés US en provenance d’Irak sont d’ores et déjà parfaitement visibles autour de Hassaka, de Deir ez-Zor , et d’Al-Qamichli ; tandis qu’Al-Joulani a refusé de lui prêter allégeance.


    Nous pouvons en déduire qu’il nous faudra attendre quelques jours pour commencer à entendre parler de divisions au sein d’Al-Nosra ; une partie acceptant de rejoindre Daech, et donc Al-Qaîda ; l’autre partie s’y refusant pour rester du côté d’Al-Joulani qui s’alliera avec le « Front islamiste » [dernier né des groupes terroristes à l’usage exclusif de la Syrie][12]. Ce sera alors l’occasion que saisiront les États-Unis pour nous présenter Al-Joulani et Cie, comme la « nouvelle opposition modérée syrienne », puisqu’ils pourront dire qu’elle est composée d’éléments ayant refusé de prêter allégeance à Al-Qaïda !


    D’ailleurs, les daechistes sont déjà les « méchants », puisqu’ils ont très vite crié qu’ils avaient l’intention de détruire les lieux sacrés que ce soit à Samarra, à Najaf, ou à Karbala…


    En fin de compte, c’est toujours l’administration américaine qui chapeaute toutes ces organisations terroristes-takfiristes-wahhabistes, et il ne faut jamais oublier que ce sont les États-Unis qui ont créé Al-Qaïda pour les besoins de leurs « causes » en Afghanistan [13]. Et les revoilà qui persistent et recommencent, alors que leur propre peuple souffre encore de la terrible amertume d’un certain 11 Septembre. Mais telles sont les mœurs de ses dirigeants : ils sont prêts à s’allier avec le diable pour réaliser leurs propres intérêts.


    Malgré cela, il nous faut distinguer entre le rêve et la réalité. Ils ne pourront atteindre leurs objectifs, ni en Syrie, ni en Irak, ni dans la région…


    3. Mais comment faire pour que cela s’arrête ?


    Ce ne sont pas les États-Unis qui arrêteront, mais c’est à la société internationale d’assumer ses responsabilités et de faire en sorte qu’on arrête de soutenir le terrorisme qui tue des Syriens et des Irakiens… Quant à nous, nous nous battrons jusqu’à ce qu’il disparaisse, et il disparaîtra parce qu’il doit disparaître !


    4. Vous parlez d’une résolution internationale de lutte contre le terrorisme ?


    Je dis que ce terrorisme doit être éradiqué car il menace toute humanité et toute l’humanité ! Sinon et si les États-Unis, en particulier, continuent à le soutenir, plus de Syriens et d’Iraquiens, mais aussi plus d’Européens et d’Américains perdront leur vie. Car je crois que le mot de la fin revient toujours aux États-Unis, bien qu’un chef de Daech, nommé Mazen Abou Mohammad, ait été ostensiblement hospitalisé il y a quelques jours dans un hôpital public turc, et qu’un journal autrichien ait publié il y a très récemment un article détaillant l’implication de l’Arabie saoudite dans le soutien de Daech en Irak, etc, etc… Oui, je crois que le mot d’ordre qui arrêterait ce terrorisme sanguinaire et destructeur appartient en premier lieu aux États-Unis.


    Dr Salim Harba


    Source : TV syrienne / Al-Ikhbariya [dernier quart d’heure d’une émission consacrée à la libération de Kassab et de ses environs], le Dr Harba est interrogé par Mme Alissar Moala


    Transcription et traduction : Mouna Alno-Nakhal


    Notes :


    [1] L’ambassadeur américain était au courant de l’avancée de Daech

    [2] Les daéchites à Mossoul / Vidéo Irak 10/06/3014

    [3] The Engineered Destruction and Political Fragmentation of Iraq. Towards the Creation of a US Sponsored Islamist Caliphate

    [4] Déclaration Balfour de 1917

    [5] Syrie : Le trajet des gazoducs qataris décide des zones de combat !

    [6] Syrie/Irak/Iran : un gazoduc très politique

    [7] Le gaz russe a bien été coupé aux ukrainiens

    [8] Alain Chouet : « En Irak, l’Iran a tout intérêt à laisser les Occidentaux s’enferrer ! »

    [9] Obama n’exclut rien… [12 Juin 2014]

    [10] Irak : Obama n’enverra pas de GIs contre les islamistes [13 Juin 2014]

    [11] Syrie : Zawahiri somme Al-Nosra de cesser de combattre les autres djihadistes

    [12] Syrie : lexique de la terreur en prévision de Genève II !

    [13] Hillary Clinton : Nous avons crée Al-Qaïda, Nous avons financé les Moudjahidin

    Le Docteur Salim Harba est chercheur et analyste politique syrien, résidant à Damas.

     

    http://reseauinternational.net/irak-attentisme-us-piege-tendu-liran-syrie/

    La balkanisation de l’Irak

               
    obama-iraq-campaign

    Si ce qu’on est en train de raconter à Washington était vrai, que les USA ont été pris par surprise par l’offensive irakienne de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), le président Obama devrait immédiatement destituer les dirigeants de la Communauté d’intelligence, formée par la CIA et par de nombreuses autres agences fédérales qui espionnent et conduisent des opérations étasuniennes secrètes à l’échelle mondiale.


    Djiadistes-Irak-300x199.jpgSans aucun doute, au contraire, ont-ils été félicités, en privé, par le président. L’EIIL est en fait fonctionnelle à la stratégie étasunienne de démolition des Etats à travers la guerre secrète. Plusieurs de ses chefs proviennent des formations islamiques libyennes qui, d’abord classifiées comme terroristes, ont été armées, entraînées et financées par les services secrets étasuniens pour renverser Kadhafi. C’est l’EIIL même qui le confirme, en commémorant deux de ses commandants libyens : Abu Abdullah al Libi, qui a combattu en Libye avant d’être tué par un groupe rival en Syrie le 22 septembre 2013 ; et Abu Dajana qui, après avoir combattu lui aussi en Libye, a été tué le 8 février 2014 en Syrie dans un affrontement avec un groupe d’Al Qaida, auparavant son allié. Quand a commencé la guerre secrète pour abattre le président Assad, de nombreux militants sont passés de Libye en Syrie, en s’unissant à ceux, en majorité non Syriens, provenant d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie et autres pays. L’EIIL a construit une grande partie de sa force justement en Syrie, où les « rebelles », infiltrés de Turquie et Jordanie, ont été approvisionnés en armes, provenant aussi de Croatie, à travers un réseau organisé par la CIA (dont l’existence a même été documentée par une enquête du New York Times du 26 mars 2013).


    Est-il possible que la CIA et les autres agences étasuniennes –dotées d’un dense réseau d’espions, de drones efficients et de satellites militaires- fussent ignorants du fait que l’EIIL préparait une offensive massive contre Bagdad, annoncée par une série d’attentats ? Evidemment non. Pourquoi alors Washington n’a-t-il pas donné l’alarme avant le début de cette offensive ? Parce que son objectif stratégique n’est pas la défense, mais le contrôle de l’Etat irakien.


     

    al-Maliki-en-Chine-300x191.jpgAprès avoir dépensé dans la seconde guerre en Irak plus de 800 milliards de dollars pour les opérations militaires, qui se montent à 3mille milliards si l’on considère tous les coûts y compris ceux sanitaires, les Etats-Unis voient maintenant la Chine de plus en plus présente en Irak : elle lui achète environ la moitié de sa production pétrolifère, en forte augmentation, et effectue de gros investissements dans son industrie d’extraction. Pas seulement. En février, durant la visite du ministre des Affaires étrangères Wang Yi à Bagdad, les deux gouvernements ont signé des accords prévoyant aussi des fournitures militaires par la Chine. En mai le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a participé à Shanghai, à la Conférence sur les mesures d’interaction et de renforcement de la confiance en Asie, avec Hassan Rouhani, le président de l’Iran. Pays avec qui le gouvernement al-Maliki a signé en novembre dernier un accord, défiant l’embargo voulu par Washington, qui prévoit l’achat d’armes iraniennes pour un montant de 195 millions de dollars. C’est sur ce fond que se place l’offensive de l’EIIL, qui met le feu à l’Irak en trouvant une matière inflammable dans la rivalité sunnites-chiites acérée par la politique de al-Maliki. Ceci permet aux Etats-Unis de relancer leur stratégie pour le contrôle de l’Irak. Dans ce cadre on ne perdra pas de vue le plan, qu’a fait passer au Sénat en 2007 l’actuel vice-président Joe Biden, qui prévoit « le décentrement de l’Irak en trois régions semi autonomes : kurde, sunnite et chiite », avec un « gouvernement central limité à Bagdad ».


    En d’autres termes, le démembrement de l’Irak.

    Manlio Dinucci

    Edition de mardi 17 juin de il manifesto

    http://ilmanifesto.info/la-balcanizzazione-delliraq/

    Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

     

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    www.mondialisation.ca/la-balkanisation-de-lirak/5387330" data-title="La balkanisation de l’Irak">

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    Le chaos en Irak: Le Nouveau Moyen-Orient en actes

               
    irak-djihadistes

     

    «Nous avons amené la torture, les bombes à fragmentation, l’uranium appauvri, d’innombrables assassinats commis au hasard, la misère, la dégradation et la mort au peuple irakien, et on appelle ça apporter la liberté et la démocratie au Proche-Orient.»

    Harold Pinter, prix Nobel de littérature

     

    Encore une fois le peuple irakien traverse une tourmente effroyable qui a démarré il y a quelque trente-quatre ans de cela avec la guerre Iran-Irak qui a fait des centaines de milliers de morts dans les camps. C’était le premier conflit réorganisateur avant la lettre du Moyen-Orient. Bien avant les prophéties de Samuel Huntington, les conflits religieux chiite- sunnite étaient savamment entretenus par l’Occident qui avait deux fers au feu. Il ne faut jamais oublier que ce sont les Américains qui ont vendu des armes aux Iraniens (fameux Irangate, avec le lieutenant-colonel North) et dans le même temps la France livrait des Mirages à Saddam Hussein.


    Les mêmes Mirages qui lui ont servi à gazer les Kurdes à Hallabja et qui ont été invoqués comme motif pour son ignominieuse pendaison un jour de l’Aïd El Adha sous le règne sanguinaire et actuel de Nouri Al Maliki. L’Irak, berceau de la civilisation sumérienne (IIIe millénaire av. J.-C.), chez laquelle on retrouve les cités-États de Mésopotamie, en particulier Babylone. Au viie siècle, Baghdad devient la capitale du califat islamique et une des plus grandes villes du monde, au grand rayonnement intellectuel. Au cours de la Première Guerre mondiale, l’Irak est conquis par les Britanniques. Le partage de Sykes-Picot est en train d’être remis en cause par les peuples. Un nouveau Moyen-Orient va émerger.


    Le Nord sunnite de l’Irak aux mains de l’Eiil


    L’avancée fulgurante de l’Eiil a fait l’objet d’un surdimensionnement médiatique. Il est vrai qu’il avance sans opposition: «Dans tout le Nord sunnite de l’Irak écrit Christophe Ayad, c’est la débandade. L’armée et la police fuient sans même combattre devant un ennemi dix fois inférieur en nombre. L’Eiil s’est emparé de dépôts d’armes lourdes et même d’hélicoptères et d’avions de chasse. L’armée s’est retranchée dans la capitale, Baghdad, dont les djihadistes sont à moins de 100 km et qui semble être leur objectif. Ce groupe, formé en 2007, est en passe de réussir son pari qui consiste à prendre le contrôle de la partie sunnite de l’Irak pour en faire un califat «islamiquement pur» au coeur du Monde arabe. (…)»


    Christophe Ayad en exégèse parle d’un Califat: «Lorsque le dernier soldat américain quitte l’Irak fin 2011, l’Eiil repasse à l’offensive (…) Implanté dans les deux pays (Syrie et Irak), l’Eiil est en train de s’y tailler un «Sunnistan», entre le Nord kurde et le Sud chiite de l’Irak. Ce «pays», qui dispose de ressources pétrolières propres, s’étend de l’autre côté de la frontière syrienne, jusqu’à Alep, Rakka et Deir ez-Zor. Ce nouveau califat ne manquerait pas d’être une menace mortelle pour l’Arabie Saoudite. Il inquiète également la Turquie.»(1)


    Les réactions


    La plus inattendue est celle de l’Iran qui curieusement se trouve du côté occidental pour combattre des Sunnites et donc indirectement elle est contre l’Arabie Saoudite qui, elle, est protégée par les Américains! Le président Hassan Rohani a indiqué, jeudi, que l’Iran «luttera contre la violence et le terrorisme» des rebelles djihadistes sunnites, sans donner toutefois de détails sur les actions que pourrait entreprendre son pays. Les rebelles «se considèrent comme des musulmans et appellent leur combat ´´la guerre sainte´´», a regretté le président iranien lors d’un discours retransmis à la télévision d’Etat, dénonçant les «actes sauvages» contre la population perpétrés par «un groupe extrémiste et terroriste». Mercredi, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, avait condamné et apporté le soutien de l’Iran «au gouvernement et au peuple irakien pour lutter contre le terrorisme».

    Selon le Times, l’Iran a envoyé des forces spéciales et des troupes d’élite pour renforcer les troupes irakiennes mises en déroute par l’Eiil. Alors que les positions des djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil) se renforçaient vendredi 13 juin en Irak, le président américain Barack Obama a fait un point sur la situation depuis la Maison-Blanche. Des attaques ciblées par des drones font partie des options envisagées. Présents à moins de 100 km de Baghdad, les djihadistes avançaient vers une ville aux rues quasi-désertes et aux commerces fermés, à partir de la province d’Al-Anbar à l’ouest, de celle de Salaheddine au nord et de celle de Diyala à l’est.(2)


    Avec la débandade des forces armées, des milliers de djihadistes ont réussi à prendre depuis mardi Mossoul et sa province Ninive, Tikrit et d’autres régions de la province de Salaheddine, ainsi que des secteurs des provinces de Diyala et de Kirkouk. Ils contrôlent depuis janvier Fallouja, à 60 km de Baghdad. (…) Nouri Al-Maliki, un chiite honni par les rebelles sunnites et dénoncé comme un autocrate par ses détracteurs sunnites et même chiites, a appelé les tribus «à former des unités de volontaires» pour venir en aide à ses forces. Le chef de la diplomatie irakienne, Hoshyar Zebari, a par ailleurs admis que les forces de sécurité s’étaient «effondrées», notamment à Mossoul: «C’est la même débandade que ce qui s’est produit dans les rangs de l’armée irakienne lorsque les forces américaines sont entrées en Irak [en 2003]. Les soldats ont enlevé leurs uniformes militaires, enfilé des habits civils et sont rentrés chez eux, abandonnant leurs armes et leurs équipements.»


    Que vont faire les Américains?

     «Les Etats-Unis vont-ils se réengager en Irak?» écrit Corrine Lesnes. Barack Obama n’a exclu «aucune option»,. L’Irak va avoir besoin de plus d’aide de la part des Etats-Unis et de la communauté internationale. Notre équipe de sécurité nationale étudie toutes les options.» M.Obama a souligné qu’il y a «un enjeu» pour les Etats-Unis à «assurer que ces djihadistes ne s’installent pas de façon permanente en Irak, ou en Syrie d’ailleurs». ((…) Les huit années de guerre ont fait plus de 4 400 morts américains pour un coût de 800 milliards de dollars (590 milliards d’euros). Lorsqu’il était candidat à la Maison-Blanche, M.Biden avait été critiqué pour avoir suggéré la partition de l’Irak en décembre 2006. (…) Depuis dix ans, l’Irak est le noeud de divergences irréconciliables entre ceux qui étaient favorables à l’invasion et ceux qui estiment que les Etats-Unis ont assez donné. Ceux-là trouvent que M.Maliki, en refusant de partager le pouvoir avec les sunnites, a creusé sa propre tombe.

    «Pourquoi faudrait-il encore sauver Maliki?», a interrogé un ancien officier sur CNN. (…) Chef de file démocrate à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi s’est déclarée opposée à des bombardements. «Et quoi, après?, s’est-elle interrogée. C’est la politique erronée qui nous a menés sur ce chemin il y a onze ans.» (3)

    La faute originelle: la haine anti-sunnite de Nouri al-Maliki


    Pour se maintenir au pouvoir, Nouri al-Maliki écrit Gilles Meunier, est prêt à enflammer tout l’Irak. Ne parvenant pas à prendre Falloujah la rebelle, il a appelé le 29 mai dernier «tout le monde» à «s’unir dans les rangs du djihad pour lutter contre ISIS (Etat islamique en Irak et au Levant – Daash, ndlr) et ses ramifications, ainsi que les conspirateurs qui manipulent le sort des gens d’Anbar». En clair, son appel au djihad revenait à éliminer physiquement ses opposants sunnites, car ses partisans ne font pas le détail. Le 11 juin, la déclaration d’Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de Daash, appelant les djihadistes sunnites à «marcher sur Kerbala et Najaf». Le Grand ayatollah Ali al-Sistani a répondu à Daash, le vendredi 13 juin, par la voix de Abdul Mehdi al-Karbalai, son représentant à Kerbala, en appelant «les citoyens et combattre les terroristes à défendre leur pays, leur peuple et leurs lieux saints et se porter volontaires et s’enrôler dans les forces de sécurité pour mener cet objectif sacré.» (4)


    La nébuleuse Eiil

    « La province de Ninive écrit Gilles Munier, n’a pas été prise uniquement par les djihadistes de l’ «Etat islamique en Irak et au Levant)», mais par une coalition d’opposants sunnites armés comprenant des membres de tribus hostiles au régime de Baghdad, d’anciens officiers, sous-officiers et soldats de l’armée irakienne dissoute par Paul Bremer, des combattants soufis – notamment de la confrérie Naqshbandiyya – ainsi que par des militants bassistes, islamo-baasistes ou nationalistes irakiens. L’union faisant la force, les opposants sunnites ont mis pour un temps de côté leurs différends politiques et religieux, et coordonné leurs activités au sein de Conseils militaires révolutionnaires. Objectif: Renverser Nouri al-Maliki. Les djihadistes sunnites ont maintenant des chars, des véhicules de transports blindés, des Humvees et même des hélicoptères Blackhawks récupérés dans les bases désertées par les troupes du régime. De plus, on estime à 429 millions de $ le montant des sommes confisquées par les «insurgés» dans les banques de Mossoul». (5)

    Nasser Kandil, directeur de TopNews ne dit pas autre chose quand il écrit: «En Irak, l’armée régulière a vacillé et les villes de deux provinces, Ninawa [Ninive] et Salah ad-din, sont rapidement tombées devant l’avancée de Daech [Eiil: État islamique en Irak et au Levant], alors même qu’il perdait ses positions dans la région d’Al-Anbar. Cette nouvelle donne s’est produite grâce à la complicité de certains éléments de l’armée de l’ancien régime irakien et de partisans, dirigés par Izzat al-Douri qui les ont rejoints. Lequel, Izzat al-Douri, a troqué sécularisme et nationalisme contre une sienne armée qu’il nomme «Naqchbandi» dont la mission première est de combattre «la tutelle chiite et l’occupation iranienne de l’Irak», contre monnaie sonnante et trébuchante venue de l’Arabie Saoudite et du Qatar, alors que la Turquie se contente de lui assurer de quoi «camper» sur son territoire».(6)


    Cette attaque surprise de «Naqchbandi», parrainée par la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, vise à renverser la situation en Irak, Le but: rompre la continuité géographique des «alliés de la Résistance», sur l’axe Irak-Syrie-Liban, maintenant que Homs [Syrie] est libérée, afin de tenir de quoi négocier en agitant le spectre de «la partition de l’Irak». Autrement dit, un Irak tripartite fédéral contre une Ukraine tripartite fédérale en vertu d’une démographie similaire, parallèlement à la tentative d’entraîner le PKK dans la guerre en lui promettant un État kurde. La solution: une Fédération Irak-Syrie, qui inverserait les règles du jeu, en attendant de fédérer le Liban et la Jordanie…La partie d’échec se poursuit.» (6)


    Ce que nous retiendrons des conséquences de la démocratie aéroportée


    La troisième guerre du Golfe a commencé le 20 mars 2003 avec l’invasion de l’Irak (dite «opération Iraqi Freedom») elle s’est terminée le 18 décembre 2011 avec le retrait des dernières troupes américaines. L’invasion a conduit à la défaite rapide de l’armée irakienne, à la capture et l’exécution de Saddam Hussein et à la mise en place d’un nouveau gouvernement… Cette guerre aura duré 3207 jours, soit huit ans et neuf mois. En janvier 2012, Iraq Body Count, estime que 105.052 à 114.731 civils irakiens sont morts dans les violences, constituées essentiellement d’attentats, et au moins 250.000 civils irakiens auraient été blessés, la revue scientifique The Lancet a, dans une seconde étude publiée le 11 octobre 2006, estimé que le nombre de morts liés à la guerre était situé entre 426.369 et 793.663. Pour rappel, l’Irak avait un système éducatif et de recherche performant. Un célèbre dicton permet de situer le niveau intellectuel «Les livres étaient rédigés en Egypte, imprimés à Beyrouth et lus en Irak».


    Résultat des courses: après la guerre il y eut 12 ans d’embargo et dans le programme «Pétrole contre nourriture», cet embargo s’est soldé par la mort de 500.000 enfants irakiens des suites de la maladie et de la malnutrition: «Ce n’est pas cher si c’est le prix à payer pour faire partir Saddam», disait Madeleine Albright secrétaire d’Etat de Bill Clinton. Les dommages aux infrastructures civiles sont immenses: les services de santé sont pillés. Le patrimoine culturel est en miettes Les tensions religieuses sont exacerbées.


    Marie Le Douaran a raison d’écrire que pour plusieurs observateurs, les causes de cette crise se trouvent dans l’intervention américaine de 2003. (..) Aux Etats-Unis, des voix politiques font également ce lien de cause à effet. L’ancien républicain Lincoln Chafee, le seul de son groupe au Sénat à s’être opposé à l’intervention en Irak, estime que George W. Bush a «remué un nid de frelons» en Irak et déclenché les divisions sectaires qui se jouent actuellement. Ce que nous voyons, c’est (…) un produit dérivé, même involontaire, de notre invasion.» (7)


    Avec élégance, Badia Bendjelloun résume le drame du Proche-Orient. «On peut, écrit -elle, verser parmi les autres bienfaits du remodelage du Proche et Moyen-Orient, les enfants nés avec des malformations congénitales avec une fréquence anormalement élevée lorsque leurs parents ont été exposés à l’uranium appauvri,(…) La séquelle peut-être la plus douloureuse pour la nation irakienne est cette Constitution rédigée par des avocats de New York qui consacre le principe de l’éclatement du pays en trois zones ethniques et confessionnelles avec autonomie politique et économique, singulièrement sur les ressources énergétiques. (…) Pas un jour ne se déroule sans qu’un attentat – d’origine sectaire ou non, rappelant les années noires qu’a vécues l’Algérie juste après 1991 dans une coïncidence chronologique curieuse – ne fasse plusieurs dizaines de morts (..) Dès les premiers mois de l’occupation de l’Irak, la menace sur la Syrie s’est exprimée d’abord sous la forme de la résolution 1559 négociée entre la France par la voix de son ambassadeur Jean-David Lévite et les US(a) avec son homologue pour le Moyen-Orient Elliot Abrams. (…) À l’automne 2003, de nouvelles sanctions américaines sont prises à l’encontre de la Syrie au titre du «Syrian Accountability Act». (8)


    L’Irak une des plus brillantes civilisations que l’humanité ait connues sombre dans un chaos qui, à moins d’un miracle, semble être parti pour durer. Tout ceci pour, en définitive, une mainmise sur des matières premières -L’AIE rassure, le pétrole continuera à couler- Cette décomposition est programmée de longue date par les néoconservateurs étasuniens: les dirigeants politiques occidentaux ne comprennent pas que le monde est complexe et plus que jamais interdépendant.  Même si l’armée reprend l’initiative grâce à l’aide des Américains qi ont leur porte-avion- ironie du sort , appelé  Georges Bush père-  positionné  dans golfe, l’effet papillon à a plus que jamais sa signification. Ce ne sont pas les exemples d’ingérences qui manquent de Mossadegh à Lumumba, de Allende à Saddam, à Kadhafi. Les ennemis d’hier sont les amis d’aujourd’hui avant de redevenir  les ennemis de demain. Business as usual.

     

    Professeur Chems  Eddine  Chitour

    Ecole Polytechnique enp-edu.dz


    1.Christophe Ayad http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/12/les-djihadistes-de-l-eiil-aux-portes-de-bagdad_4436523_3218.html

    2.Le Monde.fr avec AFP et Reuters 14.06.2014

    3.Corine Lesnes: La décomposition de l’Irak tétanise l’Amérique Le Monde 13.06. 20014

    4.Gilles Munier http://www.france-irak-actualite.com/2014/06/le-djihad-anti-sunnite-de-nouri-al-maliki.html

    5.Gilles Munier: La guerre éclair djihadiste contre Nouri al-Maliki 13 Juin 2014,

    6.http://www.mondialisation.ca/but-de-la-coalition-eiil-turquie-arabie-saoudite-qatar-et-otan-en-irak/5386871

     7.http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/offensive-djihadiste-en-irak-un-produit-derive-de-l-intervention americaine_1550738.html#60zQksDS3w1JxoWO.99

    8.Badia Benjelloun http://www.dedefensa.org/ article Cela_fait_dix_ans_19_03_2013.html

     

     

     

    www.mondialisation.ca/le-chaos-en-irak-le-nouveau-moyen-orient-en-actes/5387229" data-title="Le chaos en Irak: Le Nouveau Moyen-Orient en actes">


    Le chaos en Irak: Le Nouveau Moyen-Orient en actes

     

     

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  • Un article paru dans le journal britannique "The Guardian" : LE PENTAGONE SE PRÉPARE À UNE RUPTURE CIVILE DE MASSE

    17 juin 2014, 14:56 

     

    Le journal The Guardian - plutôt classé à gauche sur l'échiquier politique britannique - s'est fait une spécialité, depuis maintenant plusieurs années, d'ouvrir ses colonnes et son site Internet à ce qu'il est convenu d'appeler des whistleblower (traduit approximativement par « lanceurs d'alerte » en français). C'est-à-dire à des citoyens ordinaires (fonctionnaires, chercheurs, universitaires,...), qui décident d'informer le grand public d'un danger ou de dérives dangereuses ou criminelles qu'ils ont pu constater dans leur métier, en interpellant les pouvoirs en place et en suscitant la prise de conscience de leurs contemporains.

     

    Parmi les affaires les plus récentes, The Guardian a par exemple été l'un des principaux médias dans le monde à donner en 2013 la plus large couverture possible à Edward Snowden, ancien employé de la CIA et de la NSA, qui a rendu public les programmes de surveillance de masse de la NSA.

     

    S'inscrivant dans cette ligne éditoriale, The Guardian a publié voici quelques jours - le 12 juin 2014 sur son site Internet - un long article de Nafeez Ahmed, universitaire et journaliste spécialiste de la sécurité internationale.

     

    Cet article révèle au grand public l'existence d'un programme - « l'initiative de recherche Minerva » - lancé par le ministère américain de la Défense, qui consiste à mettre les sciences sociales et les recherches anthropologiques au service opérationnel des militaires américains.

     

    Parmi les objectifs clairement annoncés figure celui d'amener l'armée américaine à étudier la façon dont apparaissent les mouvements de protestation populaire (impliquant plus de 1 000 participants en activité de façon durable) dans 58 pays (dont les États-Unis eux-mêmes), et de la préparer à neutraliser ces mouvements. L'un des programmes de recherche a ainsi organisé des exercices militaires dans lesquels les participants étaient chargés de repérer ceux qui ‘‘causaient les problèmes’’, ceux qui ‘‘résolvaient les problèmes’’ et le reste de la population. L'objectif opérationnel était de définir une campagne "d'informations" « permettant de déplacer le centre de gravité de l’opinion vers cet ensemble de valeurs et de points de vue qui constituait ‘‘l’état final désiré’’ de la stratégie de l'armée.»

     

    Il ne s'agit pas de suppositions « conspirationnistes », mais de faits établis. Et il ne s'agit pas d'opérations anecdotiques. L'initiative de recherche Minerva doit bénéficier de 75 millions de dollars sur cinq ans et a bénéficié pour cette seule année d'une dotation de 17,8 millions de dollars votée par le Congrès américain. Pour mémoire, le budget alloué par le Congrès à la Commission d'enquête sur le 11 septembre a été de 14 millions de dollars.  

     

    Autant dire que cet article est très intéressant et qu'il me semble devoir être largement diffusé en France.

     

    Je remercie le service de traduction de l'UPR (Irène Silberstein) pour avoir traduit en français cet article dont la version originale en anglais peut être consultée ici : http://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2014/jun/12/pentagon-mass-civil-breakdown?CMP=twt_gu

     

    François Asselineau

     

    17 juin 2014

     

    https://www.facebook.com/upr.francoisasselineau

     

    http://www.upr.fr/

     

     

    Sur son site, voir aussi :

     

    Où va L’Europe ?

    Les GOPE (Grandes Orientations de Politique Économique) ou la feuille de route économique de Matignon

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    LE PENTAGONE SE PRÉPARE À UNE RUPTURE CIVILE DE MASSE

     

    Les sciences sociales se militarisent afin de développer des « outils opérationnels » visant à cibler des militants pacifiques et des mouvements de protestation.

     

    publié par Nafeez Ahmed le 12 juin 2014

     

    Le Pentagone finance des recherches en sciences sociales dans le but de modéliser les risques de « contagion sociale » qui pourraient compromettre les intérêts stratégiques américains. Photographe : Jason Reed/REUTERS

     

    Le Département de la Défense américain (DoD) finance un programme de recherche universitaire dont le but est de modéliser la dynamique, les risques et les points de basculement de troubles civils à grande échelle à travers le monde, sous la supervision de diverses agences militaires américaines. Ce programme de plusieurs millions de dollars est conçu pour élaborer des « éclairages pertinents pour les combattants » à court et à long terme, destinés aux hauts fonctionnaires et décideurs de « la communauté de la défense ». Il vise également à informer la politique menée par « les commandements de terrain.»

     

    Lancée en 2008 – l'année de la crise bancaire mondiale – « l'initiative de recherche Minerva » du DoD a noué un partenariat avec les universités, «visant à améliorer la compréhension de base des forces sociales, culturelles, comportementales et politiques qui façonnent les régions du monde d'importance stratégique pour les États-Unis.»

     

    Parmi les projets retenus pour la période 2014-2017 figure une étude dirigée par l'Université de Cornell, gérée par le Bureau scientifique de recherche de l'US Air Force, visant à développer un modèle empirique « de dynamique de mobilisation du mouvement social et des phénomènes de contagion. » Ce projet déterminera « la masse critique (points de basculement) » des contagions sociales à partir de l’étude de leur « empreinte numérique » dans les cas de « la révolution égyptienne de 2011, des élections de 2011 à la Douma en Russie, de la crise du carburant subventionné au Nigéria en 2012, et des manifestations au parc de Gazi en Turquie en 2013. »

     

    Les messages sur Twitter et les conversations seront examinés « afin d'identifier les personnes qui se mobilisent dans une contagion sociale et le moment à partir duquel elles se mobilisent. »

     

    Un autre projet attribué cette année à l'Université de Washington « cherche à découvrir les conditions dans lesquelles les mouvements politiques visant à des changements politiques et économiques à grande échelle prennent naissance » ainsi que leurs « caractéristiques et conséquences ». Ce projet, géré par le Bureau de recherche de l'Armée américaine, met l'accent sur « les mouvements à grande échelle impliquant plus de 1 000 participants en activité de façon durable ». Il couvrira 58 pays au total.

     

    L'an dernier, l'initiative Minerva du DoD a financé un projet permettant de déterminer « Qui ne devient pas un terroriste et pourquoi ? ». Ce projet, cependant, confond les militants pacifiques avec les « partisans de la violence politique », qui se démarquent des terroristes en cela qu'ils ne versent pas eux-mêmes dans le « militantisme armé ». Le projet énonce explicitement qu'il va étudier les activistes non violents :

     

    « Dans chaque société, nous trouvons beaucoup d'individus qui ont en commun les mêmes arrière-plans  démographiques, familiaux, culturels ou socio-économiques que ceux qui ont décidé de s'engager dans le terrorisme et qui, cependant, s'abstiennent eux-mêmes de prendre les armes, même s'ils peuvent être favorables aux objectifs finaux de groupes armés. Dans le domaine des études sur le terrorisme, les études n'ont pas, jusqu'à tout récemment, tenté de regarder ce groupe de contrôle. Ce projet ne traite pas des terroristes, mais des partisans de la violence politique. »

     

     

    Chacune des 14 études de cas du projet « implique des entretiens approfondis avec plus de dix militants et activistes de partis et d'organisations non gouvernementales qui, bien que favorables aux causes radicales, ont choisi la voie de la non-violence. »

     

    J'ai contacté le chercheur principal du projet, le Professeur Maria Rasmussen de l'École d'études supérieures du Centre naval américain, en lui demandant pourquoi les activistes non violents travaillant pour les ONG devraient être assimilés à des partisans de la violence politique  - et quels « partis et organisations non gouvernementales » sont ainsi étudiés. Mais je n'ai reçu aucune réponse.

     

    De même, le personnel du programme Minerva a refusé de répondre à une série de questions similaires que je leur ai soumises, demandant notamment comment les « causes radicales » promues par les ONG pacifistes pouvaient constituer une menace potentielle à la sécurité nationale susceptible d'intéresser le DoD.

     

    Entre autres questions, j'ai demandé :

    • « Le Département américain de la Défense voit-il les mouvements de protestation et l'activisme social dans différentes parties du monde comme une menace pour la sécurité nationale américaine ? Si oui pourquoi ? »
    • « Le Département de la Défense américain considère-t-il les mouvements politiques visant un changement politique et économique à grande échelle comme une question de sécurité nationale ? Si oui pourquoi ? »
    • « L’activisme, la protestation, les ‘’mouvements politiques’’ et bien sûr les ONG sont des éléments vitaux d’une société civile saine et de la démocratie. Pourquoi le DoD finance-t-il des recherches pour étudier de telles questions ? »

     

    Le Dr Erin Fitzgerald, directeur du programme Minerva m’a répondu  : « J'apprécie votre intérêt et je suis heureux que vous nous contactiez pour nous donner l'occasion d'apporter des clarifications », avant de me promettre une réponse plus détaillée. Au lieu de quoi, j'ai reçu la vague déclaration suivante du bureau de presse du DoD :

     

    « Le Département  de la Défense prend au sérieux son rôle en matière de sécurité des États-Unis, de ses citoyens, des alliés de l'Amérique et de ses partenaires. Alors que tous les défis concernant la sécurité ne provoquent pas de conflit et que tous les conflits n'impliquent pas l'intervention de l'armée américaine, Minerva contribue à financer des recherches en sciences sociales fondamentales qui aident le département de la Défense à mieux comprendre ce qui provoque l'instabilité et l'insécurité dans le monde entier. Par une meilleure compréhension de ces conflits et de leurs causes préalables, le Département de la défense peut mieux se préparer au futur environnement de sécurité dynamique. »

     

     

    En 2013, Minerva a financé un projet de l'Université du Maryland, en collaboration avec le laboratoire Pacific Northwest National du département américain de l'énergie, pour évaluer le risque de troubles civils dus au changement climatique. Ce projet triennal de 1,9 million de dollars élabore des modèles pour anticiper ce qui pourrait arriver aux sociétés, selon un éventail de scénarios de changements climatiques potentiels.

     

    Dès le départ, le programme Minerva a été prévu pour fournir plus de 75 millions de dollars sur cinq ans dédiés à la recherche en sciences sociales et comportementales. Pour cette seule année, il lui a été alloué un budget total de 17,8 millions de dollars par le Congrès américain.    

     

    Une communication par courriel interne destiné au personnel de Minerva - référencée dans un mémoire d’ expertise de 2012 - révèle que le programme est orienté vers des résultats rapides destinés à être directement applicables aux opérations sur le terrain. Le mémoire faisait partie d'un projet financé par Minerva  visant à « contrer le discours musulman radical » à l'Université de l'État de l'Arizona.

     

    Un courriel interne du Professeur Steve Corman, chercheur principal du projet, fait état d’une rencontre organisée par le Programme de Modélisation Humaine, Sociale, Culturelle et Comportementale (HSCB) du Département de la Défense, programme dans lequel des hauts responsables du Pentagone indiquent que leurs priorités sont « de développer des capacités rapidement disponibles » sous forme de « modèles et outils pouvant être intégrés aux opérations ».

     

    Corman précise dans son courriel que, bien que le responsable du Bureau de Recherche navale, le Dr Harold Hawkins, ait assuré d'emblée aux chercheurs de l'Université que le projet n'était qu'« un effort de recherche courant, donc nous ne devrions pas être préoccupés par son application pratique », la réunion a en réalité montré que le DoD cherche à « mettre en application les résultats ». Corman conseille à ses chercheurs de « penser à présenter les résultats, les rapports, etc., de telle sorte qu'ils [le DoD] puissent clairement voir leur application comme outils qui peuvent être mis en place sur le terrain. »

     

    De nombreux chercheurs indépendants critiquent ce qu'ils considèrent être les efforts du gouvernement américain en matière de militarisation des sciences sociales au service de la guerre. En mai 2008, l'Association Américaine d'Anthropologie (AAA) a écrit au gouvernement américain pour souligner que le Pentagone n'a pas « le genre d'infrastructure pour évaluer la recherche anthropologique [et autres sciences sociales] » d'une manière qui assure « un examen par les pairs, rigoureux, objectif et équilibré » ; elle a demandé que de telles recherches soient gérées à la place par des organismes civils comme la Fondation National des Sciences (NSF).

     

    Le mois suivant, le DoD a signé un protocole d'entente (Memorandum of understanding) (MoU) avec la NSF afin de pouvoir coopérer à la gestion de Minerva. En réponse, l'AAA a mis en garde que, même si les propositions de recherche devaient désormais être évaluées par des comités d'examen du mérite de la NSF, « les fonctionnaires du Pentagone auront le pouvoir de décision au moment de déterminer qui siègera aux comités d'examen » :

     

    «... Il reste des inquiétudes dans la discipline que la recherche soit financée uniquement lorsqu'elle prend en compte l'ordre du jour du Pentagone. Les autres critiques du programme, notamment le Réseau des anthropologues engagés, ont fait état de leurs inquiétudes quant à un programme susceptible de décourager la recherche dans d'autres domaines importants, et de saper le rôle de l'Université comme lieu de discussion indépendant et de critique des instances militaires ».

     

    Selon le professeur David Price, anthropologue culturel à l'Université de Saint-Martin à Washington DC et auteur de La militarisation de l'anthropologie : Les sciences sociales au service de l'État militarisé : « Lorsque vous regardez chaque élément d'un grand nombre de ces projets, ils se présentent comme des sciences sociales normales, d'analyse textuelle, de recherche historique et ainsi de suite ; mais lorsque vous additionnez tous ces morceaux, ils partagent tous des thèmes de lisibilité avec toutes les distorsions résultant de la sur-simplification. Minerva travaille à la production des éléments de l'empire d'une façon qui peut permettre aux gens de dissocier leurs contributions individuelles du projet d'ensemble. »

     

    Le Professeur Price a précédemment exposé comment le programme HTS (Human Terrain Systems) du Pentagone - programme conçu pour intégrer des spécialistes des sciences sociales dans le domaine des opérations militaires - conduit régulièrement des scénarios de formation dans les régions « à l’intérieur des États-Unis. »

     

    Citant une critique sommaire du programme envoyée aux directeurs d'HTS par un ancien employé, Price a rapporté que les scénarios de formation HTS « ont adapté COIN [contre-insurrection] pour l'Afghanistan et l'Irak » à des « situations internes aux États-Unis » où la population locale était considérée d'un point de vue militaire comme une menace pour l'équilibre du pouvoir et de l'influence et une contestation de la loi et de l'ordre ».

     

    Price rapporte qu'un exercice militaire impliquait des militants écologistes protestant contre la pollution provenant d'une centrale au charbon près du Missouri, dont certains étaient membres de l'ONG environnementale bien connue Sierra Club. Les participants furent chargés d'« identifier ceux qui ‘‘résolvaient les problèmes’’», ceux qui ‘‘causaient les problèmes’’ et le reste de la population, qui devait être la cible d'opérations d'informations afin de déplacer le centre de gravité de l’opinion vers cet ensemble de valeurs et de points de vue qui constituait ‘‘l’état final désiré’’ de la stratégie de l'armée. »

     

    Ces exercices militaires s’inscrivent dans le droit fil d’une série de documents du Pentagone qui indiquent que la surveillance de masse de l’Agence de la Sécurité Nationale (National Security Agency - NSA) est en partie motivée par la préparation à l'impact déstabilisateur des chocs à venir, environnementaux, énergétiques et économiques.

     

    James Petras, professeur de sociologie à l'Université de Binghamton à New York, partage les inquiétudes de Price. Les sociologues financés par Minerva et liés aux opérations de contre-insurrection du Pentagone sont impliqués dans l'« étude des émotions survenant lorsqu'on alimente ou que l'on réprime des mouvements déterminés par une idéologie » ajoute-t-il, notamment pour « contrer des mouvements populaires. »

     

    Minerva est un excellent exemple de la profonde étroitesse d’esprit et de la nature défaitiste de l'idéologie militaire. Pire encore, la mauvaise volonté des responsables du DoD pour répondre aux questions les plus fondamentales est symptomatique d'une évidence : dans leur mission à toute épreuve pour défendre un système mondial de plus en plus impopulaire qui sert les intérêts d'une infime minorité, les agences de sécurité n'hésitent pas à peindre le reste d'entre nous comme des terroristes en puissance.

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    Le Dr Nafeez Ahmed est un universitaire et un journaliste spécialiste de la sécurité internationale. Il est l'auteur du Guide de l'utilisateur de la crise de civilisation : et comment la sauver ainsi que du roman de science-fiction à paraître, ZÉRO POINT. Suivez-le sur Facebook et Twitter @nafeezahmed.

     

    https://www.facebook.com/notes/fran%C3%A7ois-asselineau-union-populaire-r%C3%A9publicaine/un-article-paru-dans-le-journal-britannique-the-guardian-le-pentagone-se-pr%C3%A9pare/10152084889687038


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    ISLAM. Vidéos: Comment la guerre en Syrie, puis maintenant en Irak, a fini d’achever l’unité arabe

    Publié le juin 18, 2014 @ 17:51

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    Le président iranien Rohani

    Le président iranien Rohani

     

    L’Arabie saoudite et le Qatar ont détruit la nation arabe au sein de la Ligue arabe en misant sur un confessionnalisme exacerbé. En finançant à outrance l’extrémisme sunnite, à cause de leur rivalité avec leur puissant voisin chiite et perse de l’Iran, ils ont fini par perdre leur âme. Ils se sont perdus et ont perdu la Nation arabe dans les abîmes. D’ailleurs, nous venons d’apprendre que les Emirats viennent de rappeller leur ambassadeur, et dénoncent la politique confessionnelle de Bagdad. Tiens donc, aucune condamnation comme l’Arabie saoudite et le Qatar des crimes de l’EIIL. Selon nos informations, les forces américaines entreront en action ce soir contre les jihadistes. Nous y sommes. Ambiance.


     

    On va vers un basculement inéluctable des Occidentaux en faveur d’un soutien massif à l’Iran. C’est même une obligation après avoir misé sur des branquignoles comme l’Arabie saoudite ou le Qatar pour renverser des gouvernements qu’ils n’aimaient pas. L’Occident est pris dans ses propres turpitudes. Sur le plan énergétique et militaire, le pays des mollahs est finalement la seule issue de secours pour l’Occident d’exister. C’est maintenant à lui de mettre sur pied des révolutions chez ses alliés comme il les a provoqué dans des pays comme la Libye ou la Syrie. Les affaires s’accélèrent et les rêves israéliens d’un grand Israël s’éloignent, encore plus celui de bombarder l’Iran car, le chaos s’installerait alors de façon inéluctable dans toute la région. Va-t-on vers une partition en Irak ? Tout est possible mais les Etats-Unis n’accepteront jamais que des régimes confessionnels ne s’installent au Proche-Orient.


    Quant à l’EIIL, il poursuit dans ses oeuvres macabres. La principale raffinerie de pétrole de l’Irak attaquée. Depuis ce matin, à l’aube, les jihadistes sunnites tentent de s’emparer de la raffinerie de Baïji, à 200 kilomètres au nord de Bagdad. Certains réservoirs ont pris feu. Selon un employé, les insurgés ont attaqué à coup de tirs de mitraillettes et d’obus de mortiers. Des agents des forces de sécurité ont été tués et blessés. Les employés qui étaient encore présents après l‘évacuation d’une partie du personnel hier, ont fui.


    Les rebelles sunnites de l’Etat islamique d’Irak et du Levant mènent leur offensive, tambour battant dans le Nord et l’Ouest du pays depuis le 9 juin. Depuis la prise de Mossoul, on estime qu’ils disposeraient de 2 milliards de dollars et de la réserve d’armes du gouvernement autonome kurde.


    Hier, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a aussi accusé l’Arabie saoudite de soutenir financièrement ces groupes insurgés sunnites, et il a limogé plusieurs hauts commandants de son armée. Ce matin, l’Arabie saoudite mettait en garde contre l‘éclatement d’une guerre civile et d’une déstabilisation totale de la région. La perspective d’un affrontement des nations sunnites et chiites ou un éclatement de celles-ci inquiète.

     

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    Samedi 14 juin 2014

    La forêt en danger d’industrialisation

    Marie Astier (Reporterre)

    mercredi 9 avril 2014 

    Le projet de loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt arrive au Sénat aujourd’hui. Un projet qui privilégie une gestion productiviste et industrielle de la forêt, et contre lequel de plus en plus de voix s’élèvent.


     

    La forêt française est en danger. C’est l’alerte lancée par le collectif SOS Forêt depuis quelques mois. « On va tout cramer et dans vingt ans on n’aura plus de bois, s’inquiète Régis Lindeperg de l’Association Adret Morvan. Nous sommes à une période charnière. »


    L’affaire est sérieuse, elle concerne 16,4 millions d’hectares en France métropolitaine, soit 29% de la surface de l’hexagone. Cela fait déjà quelques années qu’à travers toute la France, associations locales et syndicats des professionnels de la forêt s’inquiètent d’une industrialisation de la forêt française.


    Le projet de loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt, qui arrive au Sénat ce mercredi, les a poussés à s’unir au sein du collectif SOS Forêt.

    Le texte affirme la nécessité d’allier performances économique et écologique. Les objectifs sont de préserver la « diversité biologique » des forêts tout en assurant « la compétitivité et la durabilité des filières d’utilisation du bois. » De belles paroles qui ne se retrouvent pas du tout dans les mesures mises en place par la loi, selon SOS Forêt. « Le texte a été dicté par les gros industriels de la filière, uniquement dans le but de mobiliser plus de bois », dénonce Régis Lindeperg, qui a analysé le texte pour le collectif.


     

    La forêt française, sous-exploitée ?

     

    Premier reproche, la loi se base sur une évaluation de la situation erronée. « Ils sont restés sur le rapport de 2009 », déplore ce spécialiste des forêts. Ce rapport, signé par le ministre de l’Agriculture d’alors Jean Puech, concluait que la forêt française est sous-exploitée.
    « Mais les chiffres étaient erronés ! » proteste Régis Lindeperg. Depuis, l’Inventaire forestier national l’a reconnu.

    De plus, il est difficile de généraliser le constat à toute la France. Certaines forêts de montagne inaccessibles ne peuvent pas être exploitées, tandis que les forêts de feuillus du Nord sont « très rentables et de plus en plus surexploitées », note SOS Forêt dans son document d’analyse de la loi.


    Autre idée fausse : la surface des forêts augmente, on peut donc les exploiter de plus en plus. « C’est vrai, il y a de plus en plus de forêts, reconnaît Régis Lindeperg. Mais avec des arbres de plus en plus petits et jeunes. La France a le plus faible volume de bois à l’hectare d’Europe. »

    Ainsi, mesure symbolique, le projet de loi rend possible une réduction de la surface forestière en France. Une première, alors que depuis la première ordonnance sur la forêt en 1349, les pouvoirs publics avaient toujours cherché - avec plus ou moins de succès - à protéger la forêt. Pour l’instant, la loi oblige celui qui coupe une forêt à en replanter une « équivalente ».

     

    « C’est compliqué, donc cela limite les gros projets industriels, explique Anne Berthet, du Réseau pour les Alternatives forestières. Mais l’astuce du projet de loi est d’autoriser une compensation financière : on pourra couper des forêts sans s’embêter à en replanter. »


    Une filière concentrée, destructrice d’emplois


    Résultat, le projet de loi pousse à une exploitation « industrielle » de la forêt, dénonce SOS Forêt. « On va reproduire les mêmes erreurs que celles que l’on a faites dans les années 70 en l’agriculture : on va encourager la monoculture intensive, la concentration et donc on va détruire des emplois », s’inquiète Murielle André, coordinatrice du collectif.


    A travers les GIEFF (Groupement d’intérêt économique et écologique forestier), le projet de loi incite les industriels à se regrouper, pour créer de grosses unités de sciage du bois. Ils pourront ainsi signer de plus gros contrats d’achat du bois. Mais « ils auront obligation de planifier une date de coupe précise pour le bois. Cela montre bien que l’obsession est de couper le bois, et pas trop tard », note Régis Lindeperg.

    Et puis ces gros groupements risquent de monopoliser les ressources en bois, et d’empêcher les petites scieries de s’approvisionner. « Pourtant les petites structures sont beaucoup plus créatrices d’emploi, rappelle Muriel André. En scierie industrielle il faut 3.000 m3 de bois pour créer un emploi, contre 1.000 m3 en petite scierie. Et si le bois est transformé par une petite structure, par exemple pour fabriquer des meubles, il suffit de 40 m3 pour créer un emploi. »

    SOS Forêt plaide donc pour une filière décentralisée en petites scieries, capables de s’adapter à une diversité d’essences et d’âges du bois. Elles peuvent donc traiter des arbres plus vieux pour fournir du bois de qualité destiné à des usages plus nobles comme la construction de meubles ou de charpentes.


     

    Monocultures intensives

     

    Le projet loi pousserait lui vers une filière concentrée sur quelques grosses unités standardisées. « Aujourd’hui les scieries s’équipent avec des machines des pays du Nord de l’Europe, calibrées pour couper des troncs de petit diamètre, parce qu’ils n’ont que des résineux chez eux. On formate la forêt pour alimenter ces usines », explique Régis Lindeperg.

    Les conséquences s’observent déjà dans le paysage français, comme sur le plateau des Millevaches dans le Limousin. Les forêts de feuillus ont été rasées au profit des sapins Douglas : « Au début, les arbres poussaient très bien car ils étaient sur un humus fertile de feuillus. Mais ensuite, ces arbres acidifient le sol et au bout d’un certain temps, les exploitants sont obligés de mettre des engrais. »


    Muriel André poursuit : « La loi va encourager ces monocultures intensives, avec des coupes à blanc tous les 25 à 40 ans. » Les arbres sont alors trop jeunes pour être travaillés. « Ils servent donc à être brulés. » D’ailleurs, de grosses centrales « biomasse », pour produire électricité et chaleur à partir du bois sont en projet à Gardanne (Bouches-du-Rhône) et Pierrelatte (Drôme). Dans le Morvan, c’est un projet de scierie géante qui projette de fournir des granulés de bois chauffage, qui a été suspendu par le Conseil d’Etat en octobre.

    Mais le plus gros problème de ce projet de loi, selon le collectif, « c’est ce qu’il ne contient pas ». Il affiche des ambitions en matière de gestion durable, mais ne les traduit pas en mesures concrètes. Dans les plans de gestion des forêts ou les règles de création et d’évaluation des GIEFF, ces regroupements industriels créés par la loi : « il n’y a aucun critère de gestion écologique. On ne dit ni comment on cultive, ni comment on coupe le bois ! » s’étonne Régis Lindeperg.


    Pourtant, différents modèles de gestion de la forêt existent. A un extrême, la futaie régulière plante des arbres de même âge, même taille et même essence coupés à blanc tous les 30 ou 40 ans.

    A l’inverse, la futaie irrégulière, privilégie des mélanges de variétés, d’âges et de taille, les arbres sont coupés un à un de façon continue. Elle assure un renouvellement à un rythme régulier, ce qui offre plus de visibilité économique. Elle préserve aussi la biodiversité : des arbres d’âges et d’essences différentes permettent d’abriter des espèces plus variées. Entre les deux modes de gestion, « il y a autant de différences qu’entre un potager bio et un champ de maïs », illustre Régis Lindeperg.



    Futaie régulière

     

    Rappeler toutes les fonctions de la forêt


    SOS Forêt propose donc d’introduire ces critères de gestion durable dans la loi. Associations et professionnels de la forêt plaident pour que la gestion en futaie irrégulière soit favorisée, comme en Wallonie dans les forêts publiques. Les coupes à blanc pourraient aussi être réglementées, comme en Autriche ou dans certains Landers allemands, voire même interdites, comme en Suisse ou en Slovénie.

    Pour préserver les sols forestiers, tassés par les gros engins, le collectif préconise également de limiter leur taille. Et pour permettre leur renouvellement, ils demandent à limiter « l’enlèvement des rémanents », c’est à dire les petites branches et les souches qui restent après qu’un arbre soit coupé. « Aujourd’hui on les prélève pour les brûler, mais ils sont essentiels à la forêt : si on les laisse sur place, ils alimentent l’humus du sol », explique Régis Lindeperg.


    Enfin pour vérifier que cette gestion durable est bien mise en place, le collectif demande à ce que les plans de gestions des forêts puissent être consultés par les habitants et les communes alentours. Une façon de laisser plus de place à la société civile, et de rappeler que les forêts ne sont pas uniquement destinées à une exploitation économique, mais assurent aussi des fonctions environnementales et sociales.



    Source : Marie Astier pour Reporterre

    Photos :
    . Chapô : Le Monde.fr
    . Troncs : Actu Environnement
    . Scierie : Collectif des 3 vallées
    . Futaie : Wikipedia

    Lire aussi : Une autre forêt est possible

     

    http://www.reporterre.net/spip.php?article5689


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    200592963

     

    La drôle de guerre de Poroschenko

    Ukraine: un important Think Tank « occidental » reconnaît la défaite The moon of Alabama Il n’y a tout simplement pas.. - See more at: http://www.oulala.info/2014/06/ukraine-le-point-sur-la-situation-au-30-mai-2014/#sthash.eeOxBLk0.dpuf
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    Kiev envoie des renforts dans les régions de Donetsk et de Lougansk pour intensifier son opération contre les républiques autoproclamées, a annoncé lundi un responsable des forces de sécurité ukrainiennes.


    "Le nouveau président élu a ordonné au Centre antiterroriste de nettoyer les édifices administratifs dans les régions de Donetsk et de Lougansk avant son investiture le 7 juin 2014. Nous y transférons des blindés supplémentaires, des véhicules de transport de troupes de nouvelle génération, des chars, renforçons les effectifs des Troupes de l’Intérieur et des unités de l’armée", a indiqué le responsable.


    Le sous-secrétaire d’Etat américain à la défense "Derek Chollet participera à l’organisation et la tenue de l’opération", a-t-il ajouté.


    Les autorités ukrainiennes mènent depuis mi-avril une large opération "antiterroriste" visant à réprimer le mouvement de contestation déclenché par le renversement du président légitime Viktor Ianoukovitch le 22 février 2014. Les combats ont cessé le 25 mai 2014, jour de l’élection présidentielle anticipée en Ukraine, pour reprendre le lendemain du scrutin. Cette opération, qui engage l’aviation et l’artillerie, a déjà fait des dizaines de morts et de blessés. Un avion de l’armée régulière a attaqué lundi le siège de l’administration régionale de Lougansk, faisant au moins cinq morts, selon les forces d’autodéfense populaire.


    M.Chollet, en visite à Kiev, a annoncé lundi matin avoir rencontré le vice-premier ministre ukrainien et secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense Andreï Paroubiï et le ministre ukrainien de la Défense Mikhaïl Koval. Selon lui, l’aide financière accordée par les Etats-Unis à l’armée ukrainienne a doublé pour atteindre 18 millions de dollars. Ces fonds permettront d’acheter des biens pour les structures de sécurité ukrainienne à l’exception des armes. D.Chollet a déclaré que Washington souhaitait poursuivre la coopération militaire avec Kiev.


    L’ambassadeur des États-Unis en Ukraine a antérieurement annoncé qu’une délégation du Pentagone se rendrait cette semaine à Kiev. Ses discussions avec le gouvernement du pays porteront sur les moyens de gérer efficacement l’aide américaine. L’arrivée de la délégation du Pentagone fait suite à la demande d’aide militaire adressée par le président élu Piotr Porochenko aux Etats-Unis. Selon M.Porochenko, il n’a pas l’intention de stopper l’opération militaire dans le sud-est de l’Ukraine, mais compte obtenir une aide militaire plus substantielle des Etats-Unis et améliorer les conditions de travail des militaires ukrainiens dans le sud-est.

     

     

     

    Crise en Ukraine : la Slovaquie refuse l'OTAN sur son sol et réarme en vitesse

     


     La France va être de plus en plus isolée avec sa politique de coupes massives de moyens à la Défense, jusqu'à des niveaux rarement atteints sinon au plus fort de la débâcle de juin 40. Tout le monde réarme, notamment les Etats-Unis, la Chine, le Japon et l'Australie à cause des tensions dans le Pacifique. Et l'Europe n'est pas épargnée par le mouvement. En effet la crise ukrainienne pousse plusieurs pays d'Europe à accélérer leurs efforts de réarmement. Ainsi, la Tchéquie et la Slovaquie, qui viennent de refuser la présence de l'OTAN sur son sol, réarment. Surtout la seconde.


      Après la République Tchèque, qui avait refusé quelques jours avant la présence des forces de l'Alliance sur son sol, le premier ministre slovaque Robert Fico (prononcer Fitso) a déclaré qu'il « ne pouvait imaginer la présence de soldats étrangers sur notre sol », estimant que depuis la répression du Printemps de Prague par plus de 500.000 soldats issus de tout le bloc de l'Est, la Slovaquie est « sensible » à ce genre de situation. C'est probablement la même raison qui a conduit la Tchéquie à refuser aussi la présence de l'OTAN. Les Etats-Unis n'ont pourtant pas perdu espoir d'amener les deux pays à collaborer à la mobilisation antirusse générale qu'ils essaient de mettre en place en Europe.
     
    Il risque pourtant de tomber sur un os. Malgré le souvenir pénible de 1968, Robert Fico ne cache pas ses sentiments russophiles. D'ailleurs pendant la crise du gaz qui avait déjà mis aux prises la Russie avec l'Ukraine en 2009 et pendant la guerre russo-géorgienne d'août 2008 il s'était abstenu d'hurler avec les loups euratlantistes contre la politique de Poutine et l'avait au contraire ouvertement soutenue.
     
    En attendant la Slovaquie réarme, à toute vitesse. Elle est en effet frontalière de l'ouest de l'Ukraine – le fief des ultranationalistes d'extrême-droite, qui commencent d'ailleurs activement à se tailler des baronnies dans les alentours de Lviv, Vinnitza et Uzhgorod. Par là passent tous les trafics – armes, drogues, argent – alors que le pouvoir central de Kiev, corrompu jusqu'à la moëlle et totalement dépassé par l'insurrection des populations russophones à l'est peine à garder le contrôle sur les plus incontrôlables de ses nationalistes.

    Heureusement pour la Slovaquie, la République Tchèque a conservé l'important potentiel industriel qui faisait déjà la renommée de la Bohême-Moravie. Ainsi, la Slovaquie a commandé à la manufacture d'armes tchèque Ceská zbrojovka de la ville d'Ugerski Brod les nouveaux fusils d'assaut CZ805 BREN qui sont utilisés depuis 2012 par l'armée tchèque ; le montant de la commande se chiffre en centaines de millions d'euros. Par ailleurs, d'ici la fin de l'année les soldats slovaques auront entièrement renouvelé leurs pistolets et leurs fusils mitrailleurs qui seront respectivement remplacés par les modèles CZ75 et Scorpion.
     
     
    Face à face : la Pologne et la Biélorussie
     
    Autour de l'Ukraine, d'autres pays réarment. La Russie, depuis des années – elle doit aussi faire face à des menaces dans le Caucase, en Géorgie, mais aussi sur le Pacifique. Les pays Baltes, tant bien que mal – ce sont d'ailleurs actuellement des Rafale français et des avions polonais de fabrication soviétique qui patrouillent au-dessus de leur espace aérien. Les polonais surtout – qui remplacent presque tous leurs armements soviétiques par des équivalents américains. Les Etats-Unis et l'OTAN qui sont derrière ce réarmement brossent dans le sens du poil les ambitions nationales polonaises – dirigées vers l'ancien espace du duché lituano-polonais : les états baltes, la Biélorussie et l'Ukraine – tout en ressassant ses vexations du passé. Résultat : la Pologne ne marche pas, mais court pour devenir le foudre de guerre et gardien de l'Occident en Europe de l'Est.
     
    Un autre pays regarde avec beaucoup d'inquiétudes les évolutions polonaises. Et pour cause : lorsque la Pologne était forte, ce pays avait subi nombre de vicissitudes historiques, d'invasions, de massacres et de destructions. Il s'agit de la Biélorussie. Fermement ancrée dans l'orbite russe, elle vient d'entrer dans l'Union Eurasiatique que la Russie a conclu avec le Kazakhstan. Si ce dernier pays ne veut que des alliances économiques – pour s'ouvrir les marchés russe et européen, donc diminuer un peu sa dépendance énorme envers la Chine – la Biélorussie a appelé dernièrement à la formation d'une « union culturelle, humanitaire et de défense » avec la Russie. Une sorte de contre-OTAN où pourraient venir s'agglomérer l'Arménie, l'Ossétie du sud, l'Abkhazie, les républiques indépendantes de Novorussie (Donbass et Lugansk) et plusieurs pays d'Asie centrale, dont le Turkménistan et le Kirghizstan.
     
    Dans ce cas, comme par le passé, la Pologne et la Biélorussie seront face à face, dans des camps différents. D'ores et déjà, la Biélorussie s'est préparée et s'est dotée depuis 2011 de systèmes anti-aériens de courte portée Tor-M2 – une version modernisée du modèle soviétique des années 80 Tor M1, produite à l'usine russe d'Ijevsk – et une base aérienne devrait y être implantée en 2015 au plus tard. La Biélorussie accueille déjà depuis l'époque soviétique un radar militaire et une station de transmission des forces sous-marines russes.

     

    LOUIS-BENOIT GREFFE

     

    http://fr.awdnews.com/politique/5218-les-usa-dirigent-ouvertement-les-op%C3%A9rations-militaires-dans-l%E2%80%99est-de-l%E2%80%99ukraine.html

     

     

    Les infos dont on parle peu n°65 (7 Juin 2014)


    Porochenko : le président ukrainien imposé par Washington


    Pendant ce temps, les Etats-Unis renforcent leurs forces d’occupation de l’Europe


    Une escroquerie : l’Union européenne, facteur de paix


    La transcription de l’interview de Vladimir Poutine en version intégrale : le scandale des coupes de TF1

     

    La Pologne dirige les opérations militaires en Ukraine

     

       L'histoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer « le débarquement des anglo-saxons »

    L’histoire vraie : il y a 50 ans, le 6 juin 1964, Charles de Gaulle refusait de commémorer « le débarquement (...)


    - See more at: http://www.oulala.info/2014/06/ukraine-la-drole-de-guerre-de-poroshenko/#sthash.ggPGQoyh.dpuf

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