• Afrique : A qui ont profité les programmes d’ajustement structurel ?

     

     

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    Peut-être est-ce la caractéristique de toutes les organisations et entités humaines qui sont constamment prises au collet par l’urgence et les stratégies de survie. Mais le fait est que notre Afrique parle beaucoup des diverses péripéties de son actualité tourmentée mais ne se donne que très rarement le temps de la réflexion sur des questions de fond qui sont pourtant essentielles.

     

    Par exemple, il nous semble évident que, plus de vingt-cinq ans après leur généralisation, il est temps de faire le bilan des programmes d’ajustement structurel (PAS), imposés par les institutions de Bretton Woods aux Etats africains durant les années 1980. Ont-ils réussi ? A qui ont-ils profité ? Quelles leçons peut-on tirer de leur mise en œuvre ?


    Il est important de se demander, d’emblée, si l’Afrique aurait pu les éviter. D’une certaine manière, ils sont les fruits des deux chocs pétroliers de 1973 et de 1978. Par exemple, c’est après 1973 que la France a décidé d’interdire l’octroi aux Etats, par les banques centrales, de prêts à taux zéro en vue de financer l’économie. Une mesure immédiatement imposée aux pays de la zone franc – et qui les a jetés dans les bras des banques commerciales qui n’ont rien trouvé d’autre que de leur proposer des produits financiers au coût exorbitant pour mieux faire fructifier l’épargne des pays arabes s’étant largement enrichis grâce à la spéculation sur les hydrocarbures. Si, à cette période, l’Afrique disposait d’experts en finance compétents, patriotes et écoutés avec intérêt et respect par les pouvoirs publics, peut-être auraient-ils évité les pièges et autres chausse-trappes des «développeurs» internationaux intéressés. Aujourd’hui, alors que nombre de nos pays ont de nouveau la capacité de s’endetter, ont-ils tiré les leçons du passé ? Négocient-ils leurs prêts avec la légèreté et la naïveté qui les a caractérisés il y a quelques décennies ou ont-ils tiré les leçons du passé ? Les données sur leurs opérations financières et leurs choix stratégiques sont-elles mises à la disposition des chercheurs, analystes et autres observateurs afin qu’elles puissent être discutées dans le cadre d’un sain débat public ? Rien n’est moins sûr, et il y a de quoi se faire du sang d’encre.


    La pauvreté et le chômage ont augmenté un peu partout


    Présentés comme des médicaments amers mais efficaces, les programmes d’ajustement structurel (PAS) ont-ils permis aux économies africaines de remonter la pente ? Bien entendu, on peut toujours brandir les taux de croissance du PIB des pays du continent, qui se sont améliorés ces dix dernières années. Mais cette embellie doit plus au réveil de l’appétit de la Chine et des autres pays émergents pour les matières premières dont l’Afrique regorge qu’à tout autre facteur. En revanche, il est facile de démontrer que les politiques d’austérité préconisées par les institutions de Bretton Woods, notamment le démantèlement des entreprises publiques – y compris celles qui jouaient un rôle de service public, au-delà des aspects marchands – ont contribué à faire progresser inexorablement la pauvreté et le chômage un peu partout. Les privatisations, censées améliorer l’efficacité d’un certain nombre de services publics, ont souvent été une calamité. La Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), «offerte» au groupe français Bouygues, qui l’a lui-même transmis à un fonds d’investissement – qui, par définition, s’intéresse d’abord et avant tout à de froids ratios financiers – n’est pas plus à même d’empêcher les coupures d’approvisionnement que la défunte EECI gérée par l’Etat. Et pour cause : la CIE «tient la caisse» mais n’a aucune mission en matière d’installation ou de rénovation des infrastructures. Alors que l’année 2012 a été une annus horribilis faite de délestages tous azimuts (et donc d’effets destructeurs sur l’économie nationale), la CIE a publié fièrement des informations sur son bénéfice après impôts, en hausse de 32%.


    Déshabiller les Etats pour habiller les firmes transnationales


    L’hypothèse la plus crédible est tout simplement que les Programmes d’ajustement structurel (PAS), qui portaient la marque de l’ultralibéralisme le plus débridé et d’une forme très sophistiquée de néocolonialisme ont permis de déshabiller des Etats certes défaillants – mais qu’il n’était pas impossible de réformer dans un cadre démocratique renouvelé – pour habiller des firmes transnationales aux insatiables appétits. Plus grave : les PAS ont délégitimé l’Etat, qui s’est délité au profit des rébellions armées, des pirates de divers ordres, voire des pires sectes islamistes qui font du social tout en conditionnant les jeunes à devenir des sacrifiés de la guerre sainte. Par ailleurs, en dépit des PAS, nos économies demeurent fondées sur une agriculture extensive et peu compétitive accordant une faible part à la transformation, sur l’extraction des matières premières… et sur la mendicité internationale !


    L’ironie de l’Histoire, c’est que pendant que l’Afrique masochiste jouait au rat de laboratoire pour les Dr Frankenstein de l’économie contemporaine, la Chine émergeait grâce à une économie de marché modérée par la puissance d’un Etat fort imposant aux divers acteurs une stratégie de développement à long terme fondée sur une industrialisation soutenue par les pouvoirs publics.

     

    Théophile Kouamouo

     

     

    http://nouveaucourrier.net/afrique-a-qui-ont-profite-les-programmes-dajustement-structurel-par-theophile-kouamouo/

     

     

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